Christoph Hochhäusler est le cinéaste qui fait, à mon avis, que le cinéma allemand est le meilleur élève de l'art contemporain. Comme dans les trois précédents longs métrages du réalisateur, l'audace, réelle et radicalement impressionnante, se cache sous des airs ronflants de grand classicisme. Hochhäusler reste néanmoins LE cinéaste de l'arrière-film. Pour comprendre (ou plutôt ressentir) le film, il faut avoir savoir regarder par-delà les images. D'où l'intérêt de voir Dreileben, où Une minute d'obscurité répond, en miroir, à Trompe-la-mort, le segment réalisé par Christoph Petzold. Là où Petzold apporte toute sa magnificence au hors-champ, mais de manière somme toute "classique" dans l'optique du cinéma de la fin des années 1950 et des années 1960, Hochhäusler joue avec une insolence réjouissante avec les codes du cinéma classique, notamment avec la narration. La scène finale en est pour cela singulièrement troublante et passionnante. A première vue, l'histoire policière revient ici au premier plan, là où les 2 premiers films ne faisaient que l'effleurer, mais c'est pour mieux se positionner contre l'aveuglement normatif face à la narration. De la même manière, en un sens, que le cinéma dit "expérimental", ou tout du moins a-narratif, l'objectif du film de Hochhäusler n'est pas tant l'intelligibilité ou un quelconque suspense, que la sensibilité et la sensation. Il s'agit ici, effectivement, de ressentir la fuite, la peur, la haine, le dégoût... non pas par de pauvres pirouettes de scénario, mais par une mise en scène systématique. Les cadrages sont maîtrisés à la perfection, la musique est sublime, le jeu des acteurs est saisissant...