L'histoire d'un divorce long et douloureux, mais pas comme on pourrait s'y attendre.
Ce film est une merveille et une première, un iranien filme ses compatriotes sans passer par la case poésie au 3ème degré pour faire comprendre le malaise du pays. Non, il y va franco, de la manière la plus naturaliste possible et ça passe la censure sans problème. Sans doute aussi parce que les formes sont respectées, par exemple, même à l'intérieur de la maison avec son propre mari, la femme n'enlève pas son voile, sous entendu, c'est interdit pour une actrice qui sera vue par d'autres hommes derrière l'écran ! A moins que ce ne soit l'après divorce ? Et c'est assez insupportable pour un laïc comme votre serviteur car ça dure pendant tout le film, surtout la cerise du tchador pour la fille de 10 ans.
Le scénario est superbe, rien ne manque, tout est lourd de sens et de logique. C'est aussi un film très dur pour les femmes, car pour une fois, ce sont les hommes qui ont le moins de choses à se reprocher. C'est même un film qui se rapproche du fameux dicton arabe bien content d'être repris par les musulmans les plus « progressistes » sous couvert d'humour, « Bats ta femme tous les jours, si tu ne sais pas pourquoi, elle le sait ». C'est peut-être la seule faiblesse de la réalisation, on sent bien la sensibilité et les idées d'un homme.
Bref, aussi bien chez la bigote que chez la moderniste, le jusqu'au boutisme aboutit à la catastrophe.
La bigote se retrouve confrontée à l’impossibilité de vivre avec des préceptes moyenâgeux pour gardiens de chèvres dans un Téhéran, certes islamiste, mais moderne. Et arrive par cet extrémisme à créer le malheur pour les siens comme pour son intégrité musulmane.
La femme « libre » ne voit que son propre intérêt et demande à qui l'aime la suive, sans se poser la question de la vie ou du choix des autres. Si sa logique tout au long du film est plutôt censée et consensuelle, elle montre surtout son égoïsme relativement insupportable. Dommage d'ailleurs que l'actrice soit aussi belle que peu démonstrative.
Dommage surtout que le rôle finalement principal, celui de la fille du couple aisé, soit tenu par une fillette douée mais sans aucune ressemblance physique avec ses géniteurs, jusqu'au point ridicule de porter des lunettes alors que les parents presque quadra n'en arborent pas. Mais nul ne doute que trouver des jeunes actrices en Iran ne soit pas si facile.
Les acteurs « pauvres » sont par contre formidables, la petite fille en tête avec ses yeux en poignards, tandis que le mari est très spectaculaire. L'autre homme, fier, ne donne pas dans la surenchère, dommage pour son CV mais c'est très respectueux du personnage. Il est tout en réflexion, calculs et intelligence, qui cherche à éduquer sa fille en lui proposant des choix qui ne sont pas de son âge. Pas forcément pour se dédouaner, juste pour sentir que son enfant unique est la hauteur de ses espérances. Et de son exigence. C'est la meilleure partie du script, le reste étant le déroulement d'un fait divers qui glace par l'impossibilité de trouver une solution « gagnant / gagnant ». La cause à la religion principalement quand elle empêche à ce point le libre arbitre et enferme dans le kafkaïen.
C'est aussi un témoignage atroce sur la déliquescence programmée d'une famille active quand Alzheimer vient sonner à la porte des grands-parents.
Bien sûr, pour atteindre cette perfection, il est dommage que Farhadi se permette une petite ellipse qui nous cache une partie de l'histoire, car en fait, ça n'aurait pas changé grand-chose. Ce petit truc donne une impression de « script » facile américain, et ça ne le fait pas trop vue la force de l'ensemble.
Ce film est aussi dur qu'il est magistral. Car contrairement au positionnement auteur exigeant du scénario, le rythme est aussi intense qu'un film d'action, et d'autant anxiogène. La note Allo ciné est presque sous estimée pour une fois !
Surtout que la qualité de la toile ne faiblit jamais avec une superbe fin et qu'en fait, ce n'est pas déprimant à force de justesse.
PS : On découvre en tout cas que Renault et Peugeot n'ont pas se plaindre avec les ventes en Iran !