On pensait avoir fait dans le cinéma le tour des religions sectaires, mais preuve est qu’il en reste toujours, et cette fois ci c’est au tour du læstadianisme de nous être révélé (un mouvement luthérien), tout du moins dans les grandes lignes, lors d’une courte partie introductive. En effet, point de jugement ici, pas de réel choix de position, juste un constat, mais surtout une simple expérience cinématographique où de jeunes brebis, deux jeunes femmes aux caractères disparates, se retrouvent lâchées à la ville, le temps d’un été, afin de voir comment est la vie en dehors des campagnes reculées. Commençant comme un jeu où chacune d’elles va danser avec le Diable, c’est également la mise à l’épreuve de leur foi, mais aussi la révélation de leur nature profonde.
Dome Karukoski, le réalisateur, dirige son œuvre de façon intelligente, ne manquant jamais de pudeur (malgré de brèves scènes sulfureuses qui sont vites interrompues), et tente de nous servir tout cela de façon crédible, s’intéressant à la psychologie de ses personnages, qui au-delà du simple trip découverte va jusqu’à imposer un duo de romances délicates dans un univers citadin morose. Oui, même si l’auteur a d’abord réalisé son film suite à une rencontre avec une læstadianiste qui s’en était extirpée (qui semble être Eeva, une jeune femme « perdue », selon les siens — son nom est d’ailleurs emblématique, tout comme pour Maria, mais également d’autres codes comme l’instant de la délectation au cidre, remettant en scène le péché originel), a lui aussi un soucis avec la ville, ce qu’il mettra en avant dans de nombreuses scènes; non pas qu’il ne l’aime pas, mais seulement il considère que si l’on y est étranger il est facile de glisser sur de mauvaises pentes, que ce soit l’alcool, la drogue, voire bien pire…
Bref, Fruit défendu est une œuvre profonde, intrigante et originale, nous poussant à nous interroger sur ce qu’est le péché, que ça soit selon un groupe religieux ou selon le point de vue de monsieur tout le monde.
Visuellement sublime, soutenu par une bande-son qui l’est tout autant, et profitant de nombreux instants pour faire des clins d’œil au cinéma, on a en face de nous un réel produit de qualité Finlandais, et le summum sera atteint avec une scène mêlant avec grâce érotisme et romantisme, où aucun des deux partenaires ne se touche.
Il arrive certes tardivement, mais c’est grâce au récent succès de Karukoski et son Very Cold Trip que la pellicule a enfin pu atteindre nos rives, une aubaine.
Pour conclure, si les films de mœurs vous intéressent, vous aurez toutes les raisons de croquer dans la pomme et de vous laisser entrainer par cette face cachée de la Finlande. Les plus allergiques aux films religieux pourront toujours se laisser tenter, l’ensemble étant davantage l’étude du comportement de personnes restées cloîtrées dans la campagne plutôt que le procès d’un mouvement dogmatique.
Mention spéciale pour Marjut Maristo, beauté blonde typiquement nordique, allant de froide à chaleureuse de façon assez étonnante, absorbant majestueusement son personnage, et que nous ne sommes pas prêts d’oublier.