Naughty Dog, à qui l’on doit déjà « The Last of Us », jeux dont la narration devient le principal enjeu des joueurs comme des spectateurs, n’a jamais caché ses inspirations cinématographiques évidentes, allant d’Indiana Jones à James Bond. Mais ce ne serait touché qu’à une partie de la vérité que de l’associer aussi froidement à ses supports, qui servent avant tout de base à l’exploration d’un monde, qui cache ses secrets et ses trésors. La saga de jeux ayant eu le succès attendu au fil des années, les joueurs de la première heure ne perdront pas une miette de cette adaptation live-action, qui inaugure peut-être une nouvelle franchise à exploiter. Et c’est à un réalisateur, exclusivement technique, que l’on donne les clés pour lancer une machine déjà bien huilée.
Ruben Fleischer, qui a porté la saga « Zombieland », qui a été suffisant sur « Gangster Squad » et qui a souillé « Venom », est un nom qui en fera frémir plus d’un et à raison. Après les récents déboires d’adaptations frauduleuses l’an passé avec notamment « Mortal Kombat » et « Monster Hunter », nous étions en droit de douter ou de s’armer de pessimisme. Dans les deux cas, l’approche ne sera pas la bonne, car ce qu’il faut avant tout retenir du film, ce sont bien sûr ses personnages. Nathan Drake (Tom Holland) est un orphelin pickpocket et juvénile, mais devient rapidement l’associé d’un autre arnaqueur plus expérimenté, Sully (Mark Wahlberg). Leur cupidité et leur humanité ne sont pourtant pas comparables, car ce duo dysfonctionnel trébuche souvent, tout en laissant quelques traces de complicités, bienvenues dans les jeux et quasi-inexistantes sur grand écran. Le jeu du mentor, par obligation, et du disciple, un peu plus malin que la normale, ne prend pas et laisse passer une occasion de faire la paix avec leur passé. Quel dommage.
Les vétérans semblent fatigués et piétinent sur un mauvais jeu de regard, à l’image d’un Antonio Banderas qui ne dégage plus rien d’organique, dès lors qu’il se trouve dans la machine hollywoodienne. Pour le cast féminin, ce sera plus convenable. Chloe Frazer (Sophia Taylor Ali) jongle bien entre deux registres et Braddock (Tati Gabrielle) incarne une antagoniste plutôt habile, lorsque la caméra devient nerveuse. Malheureusement, toute la troupe est desservie par un manque de mise en scène flagrant, dans les airs comme dans l’eau, où l’on cut bien avant que l’on ne s'imprègne de l’instant. C’est aussi un problème inhérent à l’intrigue, qui ne se pose jamais assez, sauf quand il faut poser un contexte assez aléatoire, afin que l’argument devienne une source de suspense. Nous serons bien loin des aventures, où l’émotion traverse la manette. Il s’agit sans doute de l’erreur de calcul le plus triste, d’un récit d’aventures qui ose tout de même changer de décors, quitte à renouer avec un imaginaire que l’on a vu et revu.
Sony continue ainsi son marathon, en bénéficiant de la prestance d’un Tom Holland bankable et pourrait mener « Uncharted » à bon port, si toutefois l’on s’accorde enfin à accepter l’essence même de la narration immersive. Il n’aura pas autant de chances que d’autres projets pilote, sans avenir dans le format long, où cinéphiles et gamers doivent pouvoir cohabiter. Là où le jeu pouvait suggérer d’éventuels menaces, ici tout est écrit puis surligner jusque dans des dialogues explicites. Ce n’est pas forcément par la subtilité que le film gagnerait à convaincre, mais ce serait au moins le début d’une prise de conscience, où l’interaction des mouvements serait pertinente.