Le deuxième film de John Wells, Un été à Osage County, a été nominé deux fois au Oscar 2014. Des nominations méritées dont on aurait aimé la transformation en récompense, particulièrement pour Meryl Streep, parfaite. Et pour Julia Roberts, à contre-emploi de ses rôles habituels, terriblement convaincante. Ce film intimiste, inspiré d’une pièce de Tracy Letts, sur la famille et les liens filiaux nous plonge, le temps d’un été, dans un constat sombre sur les faux-semblants animant nos relations domestiques.
Osage County, Oklahoma. Un comté peu peuplé. Une contrée d’agriculteurs. Des maisons parsemées. Les plaines à perte de vue. Une chaleur étouffante. Violet (Meryl Streep) atteinte d’un cancer de la bouche, accros aux antidépresseurs, et Beverly (Sam Shepard), vieil écrivain alcoolique, vivent en retrait, les volets clos. Ils se disputent constamment. La dernière dispute tient à l’engagement d’une aide-soignante pour Violet. À la suite de cette dispute, Berverly disparaît, ce qui pousse la matriarche à alerter ses trois filles. Peu de temps après, le corps de Beverly est retrouvé, il s’est suicidé. Le repas de l’enterrement donne lieu à des règlements de compte.
Alors que tout le monde est à table, Violet est encore dans le bureau, elle prend ses dernières pilules. Puis vient gâcher l’ambiance en réclamant un bénédicité avant de manger. Une prière dont se charge l’oncle Charles (Chris Cooper), sûrement le plus empathique personnage de la famille. Une bonne âme. Exécrable, Violet ne cesse de pousser des soupirs. Pendant tout le repas, chacun sera sujet à ses sautes d’humeur. D’abord ses trois filles. Karen (Juliette Lewis), délurée, qui ne cesse de dire à tout à chacun qu’elle les aime, et qui a emmené son nouveau fiancé. Ivy (Julianne Nicholson), la plus attentionnée, qui a sacrifié ses ambitions pour rester auprès de ses parents. Et enfin, Barbara (Julia Roberts), qui a suivi l’amour de sa vie, dont elle se sépare aujourd’hui. On se retrouve dans des archétypes éprouvés, mais tellement fréquents dans la vie réelle… Ivy est transparente, elle a toujours habitué tout le monde à être gentille et présente. Sûrement la plus sensible des trois, elle est aussi celle que l’on ignore parce qu’elle ne pose pas de problème. Karen a probablement déçu constamment, superficielle, on n’attend rien de particulier de sa part. Barbara quant à elle devait être la fille prodigue sur qui l’on faisait tout reposer, et qui a décidé de suivre sa propre voie. Autant dire un affront pour ses parents. Et certainement pas la situation la plus enviable. C’est sur elle que l’acharnement de la veuve va être le plus fort, l’accusant d’avoir précipité son père vers la mort. Ce qui n’empêchera pas la vieille peau de déclarer que le défunt avait prévu que l’héritage lui revienne, même s’il n’avait pas encore rédigé son testament.
Violet, dont l’interprétation par Meryl Streep est magistrale, déteste ses trois filles. Elle jalouse les facilités matérielles dont elles ont bénéficié dans leur vies tout autant qu’elle leur reproche d’avoir sacrifié la sienne. C’est ici le cœur du film. Bien que Violet se laisse aller à raconter son enfance malheureuse, ses trois filles ne se sentent pas moins en souffrance. C’est bel et bien autour de la concurrence victimaire des membres de cette famille que s’organise le film. Qui a le plus souffert, qui a le plus donné et qui a le plus pris ? Faut-il pour autant qu’il y ait un responsable ? Il est un temps, où l’on a plus le temps de se retourner sur le passé. Il est un temps, où il faut faire table rase des conditions dans lesquelles on a grandi pour devenir une personne à part entière. Et non pas seulement, une accumulation grossière de pathos. Il faut faire résilience. Il est un temps ou comme l’oncle Charles, il faut dire stop à toutes ces attaques mesquines que l’on se permet parce que l’on connaît (ou que l’on croit connaître) l’intimité des gens. Plus facile à dire qu’à faire, au vu de la famille Weston. Et aux échos de nos innombrables repas dominicaux ratés…
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