Dans l'histoire des projets cinématographiques dont le destin fut bouleversé en raison de faits divers sordides perturbant l'opinion publique, « Gangster Squad » fait office de bon samaritain.
En effet, après la tuerie d'Aurora l'été dernier – où, pour rappel, un homme (James Holmes, CQFD) déguisé en joker fit irruption dans une salle de cinéma au Colorado, où était projeté en avant-première le blockbuster tant attendu de Christopher Nolan « The Dark Knight Rises », pour y perpétuer une atroce fusillade, tuant 12 personnes et blessant 59 autres – le distributeur, Warner Bros, estima qu'il était de bon ton de modifier certaines scènes du troisième film de Ruben Fleischer, notamment une séquence-clé du long métrage, qui apparaissait dans la bande annonce et malheureusement effroyablement similaire à la réalité, où l'on pouvait apercevoir Ryan Gosling et sa bande canardaient des gangsters à travers l'écran d'une salle de cinéma.
C'est ainsi que « Gangster Squad » repartit illico presto en tournage, ainsi qu'en salle de montage, pour une sortie repoussée d'environ quatre mois. Aujourd'hui, de l'eau a coulé sous les ponts, du moins on l'espère, et le film de gangsters est fin prêt à débarquer dans les salles.
Le casting se compose de Ryan Gosling, acteur très courtisé par Hollywood depuis « Drive » et qui n'en finit plus de tourner puisque le comédien des « Marches du pouvoir » est attendu dans pas moins de 4 projets cette année. Le beau gosse de « Crazy Stupid Love » est accompagné de son ex partenaire, la jolie rouquine Emma Stone, elle aussi très en vogue en ce moment, ainsi que du prolifique Josh Brolin, du vieux clébard Sean Penn, de l'éternel Robert « T-1000 » Patrick, du déjanté Giovanni Ribisi (remember « Ted » en 2011), d'Anthony Mackie et du sempiternel Nick Nolte.
L'ambiance séduisante des 50's, le casting masculin hyper glam', le méchant ersatz d'Al Capone, la prohibition, la présence de la jolie Emma Stone, tout y est pour conquérir le public, mais pourtant, rien n'y fait, la mayonnaise ne prend jamais, ou à peine lors de rares séquences clinquantes pétaradantes. La faute probablement au choix du metteur en scène par la major, Ruben Fleischer, plutôt habitué aux comédies (« Bienvenue à Zombieland », « 30 Minutes Maximum »), que l'on sent bien mal à l'aise dans ses baskets lorsqu'il s'agit de filmer un polar: il eut peut-être été plus judicieux de confier un bébé de cette envergure à un Michael Mann, ou du moins à un homme d'expérience.
Humour maladroit qui n'a rien à faire là, raccourcis douteux (indic' black qui fournit des éléments menant nos héros sur la piste du bad guy, mandat d'arrêt contre Mickey Cohen obtenu fissa), rythme épileptique digne d'un blockbuster Marvel, scénario en pilotage automatique offrant plusieurs séquences téléphonées sans brin d'originalité (le piège à « Chinatown »), personnage féminin utilitaire, prothèse faciale ridicule de Sean Penn, BO anecdotique... « Gangster Squad » est une immense déception sous toutes ses formes.
Partant pourtant très bien, en plongeant l'audience dans une ambiance aguichante à la « L.A.Noire », le navire prend l'eau dès lors que les membres de la « brigade » sont recrutés par le boss Josh Brolin. « Gangster Squad » verse ensuite dans le film policier patriotique et puritain où seules les valeurs de loyauté & de bravoure font légion. Quel (grossier) besoin avait, par exemple, le réalisateur de nous gratifier du meurtre d'un enfant dans le but de convaincre l'un des flics de rejoindre l'équipe. Pour la crédibilité, il faudra repasser !
Sans jamais égaler ses aînés (« Scarface », ou même le mal aimé « Dahlia noir »), « Gangster Squad » recèle un certain charme malgré tout, nous empêchant de le condamner, opéré en grande partie grâce à son casting 4 étoiles, appâtant, ultra sexy, et jugé seul pedigree acceptable. Si Ryan Gosling cale au démarrage, l'acteur que l'on verra prochainement dans « Only God Forgives », le nouveau Winding Refn, rebondit dans la deuxième partie pour gagner en poigne et montre en fin de bobine qu'il a l'étoffe d'un grand. Josh Brolin confirme de son côté, film après film, que les frères Cohen ont eu raison de miser sur lui dans « No Country for Old Men ». Emma Stone joue avec perfection les atouts charmes du long métrage, même si son personnage paraît finalement fade et effacé. Enfin, saluons les seconds couteaux, tous convaincants, du vieux roublard Robert Patrick au geek Ribisi. On regrette seulement que l'union fasse difficilement la force dans cette brigade à laquelle on ne croit peu. Seule ombre au tableau côté comédiens : Sean Penn, cabotin et impertinent, incarne un vilain au dessein peu limpide et finalement insignifiant.
Bilan : « Gangster Squad » n'est à aucun moment le film ambitieux qu'il prétend être. Porté par un casting savoureux, le long métrage de Ruben Fleischer demeure un honnête divertissement tout juste bon à combler à la case horaire télé du samedi soir.