Une vie. De la rose éclatante à la rose fanée, de la douceur de la peau à son dessèchement, de la joie à la tristesse, de la vie à la mort. La Prima Cosa Bella n'est autre que la représentation d'une vie dans son entièreté, de ses hauts et de ses bas, la plume du réalisateur parcourant le chemin d'une famille originaire de Livourne sur plusieurs décennies. L'élément central de cette famille en est la mère, l'épouse, la femme. Son caractère frivole mais aimant, irresponsable mais touchant, va contribuer à créer ce qu'on pourrait appeler une implosion au sein de son couple, dont les conséquences s'abattent inévitablement sur les deux enfants : Bruno et Valeria.
Deux jeunes enfants qui vont être trimballés dès leur plus jeune âge au gré des courants, tumultueux et virevoltants, de leur mère. C'est à travers les yeux de Bruno, ce garçon devenu un adulte froid et distant que va s'opérer le récit. Lui qui avait décidé de se refaire une nouvelle vie va devoir, à l'annonce de la maladie avancée de sa mère, replonger dans des souvenirs qu'il avait souhaité oublier pour toujours. C'est en tant que spectateur complice, lié à ce personnage attachant, que nous allons nous-mêmes découvrir les évènements qui ont conduit la famille à une telle conclusion, dévoilés à travers une chronologie et un montage d'une véritable qualité, ne perdant jamais l'attention de son spectateur et ne le troublant à aucun moment malgré les diverses ellipses temporelles.
C'est ainsi que l'on va découvrir cette famille à quatre, ou plutôt à trois, le père étant rapidement isolé malgré lui. C'est la beauté indéniable de la mère qui va être la raison de crises perpétuelles, objet constant de désir, image dont elle n'essaiera pas vraiment de se défaire, malgré son rôle de mère et l'attention qu'elle porte à ses enfants. Voir une femme à la fois si aimante envers ses enfants et pourtant si indépendante, devient touchant dans le sens où l'on comprend le malaise qu'elle instaure de manière inévitable chez eux, sans qu'on ne puisse pour autant lui en vouloir. Elle n'est pas diabolisée, bien au contraire, même si les séquelles de cette éducation élastique se ressent dans le présent des personnages. Elle est perçue comme un être humain, un vrai, avec ses défauts et ses qualités, ce qui en devient une grande source d'empathie. Il en est de même pour le duo de frère et sœur, très touchant à tout âge, lié par cette autonomie précoce et ce vide émotionnel.
Ce sont des moments de vie intenses qui nous sont montrés, sur trois décennies, avec des acteurs pour chaque période qui font vivre leur personnage aussi bien les uns que les autres. L'humour qui se dégage des relations, et son rapport étroit avec le drame, les diverses tragédies, est parfaitement dosé au point que les deux sentiments se rejoignent et que nous les ressentons à merveille l'un comme l'autre. Le regard posé sur leur vie, avec ses moments joviaux et ses moments tristes est comme un regard posé sur un vieil album de famille : Un condensé de souvenirs, certes pas toujours heureux, mais ineffaçables car ils font partie de nous, ils ont déterminé qui nous sommes et il n'y a pas de raison d'en regretter un seul. Cet au revoir inévitable devient la dernière chose à faire ensemble, comme le dernier chemin d'un long voyage, qui aura été éprouvant mais où chaque pas aura eu son importance. Le film sonne donc comme la transition d'un voyage à un autre, comme si Bruno et Valeria devaient terminer celui effectué avec leur mère pour pouvoir commencer le leur.
Les procédés esthétiques sont à la hauteur du récit, à la fois colorés et sombres, nous plongeant dans une Italie galvaudée, hésitante, torturée de l'intérieur, mais qui respire pourtant la vie. Les choix artistiques renforcent l'émotion plurielle du film et traverse les âges avec une virtuosité incontestable. Paolo Virzi livre un film aux profondeurs intimistes et aux aspects grandioses, ambitieux dans le fond et dans la forme, sans jamais se trahir à un seul instant. La comédie rejoint la tragédie avec une simplicité étonnante, faisant figurer La Prima Cosa Bella aux côtés des chef-d'œuvres du genre, ce qui prouve une nouvelle fois qu'en terme de comédies dramatiques, les italiens sont très certainement les meilleurs. Le film est semblable à une chanson d'enfance, aux sons inoubliables et aux notes nostalgiques : Impérissable.