Rarement vu un film qui va aussi loin dans ses délires, qui torture à ce point son spectateur, et ose tenter certaines choses qui pourraient facilement devenir grotesque. Le film joue sur la propre morale du spectateur, sur ce qu'il accepte de voir, s'il accepte de suivre des personnages aussi mauvais. Et jamais un point d'accroche n'est donné aux spectateurs, aucun personnage n'aide à entrer dans le récit. Friedkin passe une sorte de contrat moral tout du long, "voici mes personnages, ce sont des ordures, mais ce sera eux que tu suivras, acceptes-le ou non". A l'extrême limite Juno Temple pourrait apparaître comme un personnage sympathique, mais elle accepte et souhaite malgré tout le meurtre de sa mère. Et rarement un film va aussi loin dans cette démarche, l'on ne suit même pas des anti-héros, ce sont des gens purement mauvais, ayant le mal pour objectif. Et sur ce point le film fonctionne à merveille, la fin, si abrupte soit-elle, arrive à point nommé. Jamais il n'aurait pu aller plus loin dans la bizarrerie et la violence, c'est donc le moment opportun pour s'arrêter, tout ce qui aurait suivi n'aurait été que redescente. Les vingt cinq dernières minutes sont un sommet, qui m'a fait ressentir un profond dégoût et en même temps une fascination morbide de voir des personnages mauvais faire payer leurs mauvaises actions à d'autres mauvaises personnes, et par le mal bien évidemment. De plus, cette fin est surprenante, je savais qu'il y avait quelque chose d'étrange avec le poulet dans ce film avant de l'avoir vu, et je m'attendais à du bête cannibalisme, mais non, bien pire et du jamais vu surtout. C'est une expérience à vivre et non à décrire. Le personnage de Killer Joe est assez fascinant lui aussi, car il n'est pas seulement cruel, on sent une vraie folie en lui, qui se dégage dans l'interprétation complètement baroque de Matthew McConaughey. C'est ce grain de folie qui fait basculer l'ensemble, tous les autres personnages sont simplement dans la détestation de l'autre et l'égoïsme, mais Joe semble ne pas venir du même univers. Et c'est cela Killer Joe, une lutte à l'intérieur du mal, qui me laisse des souvenirs indélébiles.