Le Mal est à l'intérieur de chacun de nous. Il peut se cacher, longtemps, mais finira toujours par sortir d'une manière ou d'une autre. Au fin fond du Texas, l'ambiance est poisseuse, la pluie tombe tellement fort qu'on dirait de l'acide, et les éclairs percent ce ciel auquel les habitants ne croient plus depuis longtemps. Il est clair que ça fait déjà belle lurette que Dieu a décampé d'ici.
Chris doit beaucoup d'argent, et pour toucher gros rapidement, il décide de faire tuer sa mère pour empocher l'assurance vie. Il engage pour cela « Killer Joe », un flic qui travaille au noir pour se faire un peu d'argent de poche. Mauvaise idée.
Le Mal est dans tous les plans, toutes les phrases que les personnages prononcent, et à l'intérieur des musiques envoutantes composées par Tyler Bates (L'Armée des morts, Watchmen). Il n'y a pas de « gentils » dans cette histoire, aucune marque d'espoir, et toutes nos valeurs (Joe est un flic) sont remises en question. Notre seule interrogation est de savoir comment cette histoire totalement amorale va pouvoir se terminer.
À l'image de son zippo (imprévisible et pouvant s'embraser à tout moment), Joe Cooper est intelligent, sadique et sait exactement ce qu'il fait. Sa première conversation avec Dottie, la fille des Smith (Juno Temple, la révélation), est annonciatrice de leur relation future : sexuelle et malsaine. Quant à cette famille, elle est simplement bête et méchante et révèle à quel point nous pouvons faire des choses atroces pour pouvoir s'en sortir.
Le Mal est avant tout incarné par un homme au regard menaçant et à la sauvagerie tranquille : Matthew McConaugey, un excellent acteur qui se révèle de film en film (après sa superbe interprétation dans Magic Mike, on va le retrouver dans Mud, la perle de Nichols qu'on attend tous). Filmé par la superbe mise en scène de Friedkin, il transcende la caméra. Celle-ci est d'ailleurs exempte de tout reproche en filmant les personnages là où il faut, avec un montage plutôt nerveux et saccadé. Avec des rebondissements tombant au bon moment, on ne s'ennuie pas une minute.
Le plus jouissif est le fait que le cinéaste va jusqu'au bout de son propos en ne ménageant personne et en créant une tension croissante qui n'explosera qu'à la scène finale, fracassante. Cette violence pure qu'insuffle Killer Joe dévoile la nature de l'Homme : cruelle et bestiale.
Amen.