Killer Joe est un film particulier, avec des qualités évidentes et un caractère trempé. Film à l'esthétique très soignée, il dépeint l'aventure pitoyable que vivront une bande personnages minables, tous aussi haïssables les uns que les autres, et pourtant fascinants. Entre les psychopathe, les idiots profonds, les misogynes, les manipulateurs et un jeune héros complètement à la ramasse et aussi relativiste que les autres, il n'y a aucun personnage pour remonter un peu le lot, pas même la jeune Dottie, complètement lunatique, qui réserve ses surprises à sa façon. L'interprétation de ces personnages est mémorable : Matthew McConaughey interprète un tueur à gage intéressant parmi tous, T.H. Chruch est incroyablement crédible, et Emile Hirsch - si celui-ci ne savait me surprendre à chaque nouveau film où je le vois - je dirais qu'il s'agit d'un de ses meilleurs rôles. Je n'oublie pas Gina Gershon qui assume son rôle avec brio. Juno Temple est elle simplement au plus haut de sa carrière tant son interprétation est parfaitement intrigante.
Bien sur, Killer Joe est un film très choquant, qui mériterait largement sa notation à -16 plutôt que -12 (?!). Tout est fait pour choquer le spectateur dans ce film, et le placer entre la fascination pour le portrait de cette galerie de gens dégoutant, violents et misanthropes, et un sentiment de repoussement le plus total envers les idées que nous propose ce film. Il est évident que le discours du film est plus que douteux, d'où l'importance de savoir l'extérioriser, entre hymne à la violence, à la pédophilie et à la misogynie, seule la fin, délirante, est là pour rappeler que ce discours n'est pas un de ceux qu'il faut replacer dans la réalité : il n'est pas une critique intelligente mais un massacre joyeux d'un certain type de personne. Si ce film est donc profondément misanthrope par lui-même, il n'en demeure pas cependant dénué de qualités artistiques, et au contraire a de quoi se vanter. Pour ne pas en revenir à l'esthétique du film qui m'a saisit dès la première scène, je dirais que la maitrise scénaristique est à retenir (mention spéciale à l'introduction rocambolesque du thème de la femme monstrueuse). On parvient à nous montrer à la fois tout de suite où l'on veut en venir, et à la fois on parvient à nous surprendre à chaque nouvelle minute de film. L'histoire n'étant pas du tout centrée sur le meurtre lui-même mais sur tout ce qu'il se passe autour, le film en devient plus un drame qu'un thriller (et n'a rien du genre policier ...), et arbore donc d'excellents dialogues. Comme certains très beaux drames, il n'y a pas d'idée que le film souhaite transmettre : il est à apprécier comme tel, comme une très belle œuvre qui semble en réalité être une théorisation pratique du relativisme, et que je conseillerais sans aucun doute.