Réalisé par le vétéran William Friedkin son dernier film en date, Killer Joe, fut certes un bide au box-office mais constitue un excellent film noir, entre polar, farce macabre et thriller policier. Porté par un casting d’acteurs déments dans leur rôle, Killer Joe est un film à la fois bizarre, malsain, pervers et violent mais n’en demeure pas moins passionnant jusqu’à sa conclusion finale, déjà culte. Chris, 22 ans, minable dealer de son état, doit trouver 6000 dollars ou on ne donnera pas cher de sa peau. Une lueur d’espoir germe alors dans son esprit lorsque se présente à lui une arnaque à l’assurance vie. Celle que sa crapule de mère a contractée pour 50 000 dollars. Faisant équipe avec son père, il contact Joe Cooper aussi connu sous le nom de Killer Joe, flic le jour, tueur à gages la nuit. Seul problème : il se fait payer d’avance, ce qui n’est clairement pas une option pour Chris qui n’a pas un seul dollar en poche. Il tente de négocier avec Killer Joe mais celui-ci refuse d’aller plus loin. Il a ses principes… jusqu’à ce qu’il rencontre la jeune sœur de Chris, Dottie. Tombé sous le charme de la jeune adolescente, le tueur à gages accepte d’être payé sur l’argent de l’assurance si on le laisse jouer avec Dottie. Sorti en 2012, Killer Joe signait le grand retour de William Friedkin, réalisateur de French Connection qui lui a valu l’Oscar du Meilleur réalisateur, de L’Exorciste considéré comme un des films d’horreur les plus terrifiants du cinéma ou encore du Convoi de la Peur, remake du film français Le Salaire de la Peur d’Henri-Georges Clouzot. Agé de 77 ans au moment de la sortie de Killer Joe, William Friedkin montrait encore une fois qu’il avait gardé tout son talent de cinéaste en livrant ce polar osé et violent à l’humour noir diabolique. Le film fut très bien accueilli par la critique mais fit un bide au box-office, seulement trois petit millions de dollars de recettes dans le monde dont 166 183 entrées en France. Remarquez, quand on regarde le film on comprend pourquoi il n’a pas connu un gros succès en salle : violence, sexe, ambiance malsaine et perverse,… bref Killer Joe n’est donc pas un film destiné au grand public mais devrait connaître un plus grand succès en DVD et trouver son public, comme beaucoup de films souvent incompris ou victime d’un flop au box-office à leur sortie. Polar violent et malsain qui se transforme petit à petit en une sorte de huis clôt poisseux et pervers, Killer Joe est en fait adapté de la pièce de théâtre éponyme de Tracy Letts qui date de 1991. Et il faut savoir que c’est le dramaturge lui-même qui a adapté son œuvre pour le cinéma, et ce n’est pas la première fois qu’il s’adonne à cet exercice puisqu’il était déjà, en 2007, derrière le scénario de Bug d’après l’une de ses pièces, film réalisé par William Friedkin encore une fois. Les deux hommes se sont donc tout de suite entendus puisqu’ils sont revenus en 2012 avec Killer Joe. Le film est très court, il dure 1h33 mais il est tout simplement excellent. C’est une petite claque de cinéma noir et très osé que j’ai reçu, où une famille se déchire à cause d’une assurance vie, et la situation est perturbée par un tueur à gages impitoyable tombé sous le charme de la petite dernière de notre famille de dégénérés. C’est vrai que Killer Joe est malsain et violent, les scènes de sexe ou de nue sont assez nombreuses et les scènes de violence très dures mettent encore plus mal à l’aise, la scène où Emile Hirsch se fait tabasser à coups de boîte de conserve par Killer Joe est très violente et assez insoutenable. Mais la scène la plus dérangeante du film vous savez déjà laquelle c’est si vous avez vu le film ou entendu parler de lui. Je pense bien sûr à la scène du poulet, à la fois drôle, malsaine et dérangeante, qui donne tout d’un coup moins envie de manger des cuisses de poulet. Je pense que c’est une scène culte mais son problème c’est qu’elle est un peu trop longue ce qui amplifie encore plus le mal être et le dérangement devant ce film. Mais il est vrai que la dernière séquence du film, qui se passe entièrement dans la caravane de la famille Smith, est juste brillante avec des dialogues bien sentis et trash, des déchaînements de violence ahurissants et une bonne petite dose d’humour noir pour conclure magnifiquement cette œuvre atypique et sordide qu’est Killer Joe. Là on voit tout de suite que le film est adapté d’une pièce de théâtre car il suffirait de mettre une caravane pour seul décor et d’y jeter tous les personnages dedans pour qu’ils règlent leurs comptes. Personnellement j’ai adoré la scène finale qui part totalement en cacahuète avec des coups de feu, du sang et une révélation inattendue qui amène le personnage de Killer Joe à conclure le film sur une note d’humour noir juste délirante. William Friedkin livre un film noir très stylisé, qui possède une histoire certes classique mais dont l’intérêt repose exclusivement dans son deuxième acte qui est une sorte de règlement de compte burlesque et dérangeant entre tous les protagonistes du film. Mais si le film m’a autant plu c’est bien grâce à ses acteurs tous géniaux dans leur rôle. A commencer par un impressionnant Matthew McConaughey dans le personnage de Joe Cooper alias Killer Joe, tueur à gages ultra-violent et pervers qui dégage un tel charisme qu’on ne peut s’empêcher d’aimer et de détester ce personnage. L’acteur à l’époque en pleine renaissance artistique entamée avec La Défense Lincoln, continuait à tourner dans des films plus originaux et sombres où il livrait des prestations de plus en plus ahurissantes. Avec ce personnage de tueur à gages, l’acteur texan confirmait son immense talent et éclipsait sa période moins glorieuse marquée par quelques comédies romantiques ringardes pour se concentrer sur de vrais grands films et des personnages de cinéma marquants comme celui de Killer Joe. Matthew McConaughey est un acteur que j’apprécie énormément depuis sa renaissance d’acteur qui lui aura permis de remporter l’Oscar du Meilleur acteur pour son rôle dans Dallas Buyers Club, un prix que l’on peut imaginer comme une sorte de conclusion et de récompense à son incroyable renaissance. Ensuite nous avons un très bon Emile Hirsch qui s’en prend plein la tronche dans le film, un Thomas Haden Church qui joue à la perfection un père abruti, une jeune Juno Temple parfaite dans le rôle de la petite sœur candide désirée par l’inquiétant Killer Joe et enfin nous avons une superbe Gina Gershon dans le rôle d’une femme vulgaire et qui va voir ailleurs dans le dos de son mari. Accompagné d’une très bonne bande-originale signée Tyler Bates qui contribue à l’ambiance noire et bizarre du film, je conçois que Killer Joe peut être considéré comme un mauvais film car malsain, violent et pervers par certains spectateurs mais moi je l’ai trouvé excellent malgré ce côté trash. Je pense que c’est soit on aime ou on n’aime pas. En tout cas j’ai vu en Killer Joe un film d’ambiance stylisé possédant une histoire prenante avec un deuxième acte déjà culte, des dialogues bien ciselés, un humour noir très bienvenue, des acteurs tous exceptionnels dans leur rôle et une réalisation soignée de la part d’un grand nom du cinéma qu’est William Friedkin. J’aime et je recommande donc Killer Joe. A taaaaaable !