Gummo, c’est le premier film d’Harmony Korine qui était à cette époque un peu, voir carrément, fauché. Pour vous dire, lui et son cadreur ont souvent été pourchassés par des parents furieux, et armés, qui les soupçonnaient de tourner un film porno pédophile. Néanmoins, ce ne sont pas ces contraintes qui ont empêché le réalisateur de sortir son film, sorte de regroupement de plusieurs histoires, qui ne racontent pas vraiment grand chose. Alors oui, parler du film en ces termes ne donne pas spécialement envie de s’y plonger, mais ce qui est extraordinaire avec Gummo, c’est que Harmony Korine n’a pas besoin de raconter une histoire précise et définie pour intéresser son spectateur. On suit le quotidien de jeunes marginaux, un peu déjantés, qui passent leur temps à tuer des chats pour revendre les cadavres à des restaurants chinois, ou à faire du catch avec des chaises. Il se dégage une réelle poésie, certes une poésie assez macabre, mais une poésie tout de même et qui se laisse très largement apprécier puisqu’elle permet à l’atmosphère du film de ne pas devenir oppressante. On ne comprend pas tout, on ne sait pas si il y a réellement quelque chose à comprendre, mais on se laisse emporter du début à la fin, on observe ce qu’il se passe et on se surprend à vouloir savoir ce qu’il va arriver à ses personnages, même si ce sont que des choses de la vie quotidienne. Au fond, Gummo fait parti de ce genre de films qu’on pourrait qualifier de cinéma contemplatif puisqu’on y retrouve des acteurs amateurs qui improvisent la plupart du temps, peu de dialogues et très peu d’écriture de scénario, et une narration rythmée et entrecoupée de petites séquences filmées façon amateur, comme des interviews ou un documentaire, accompagnée de voix off propre au genre. Malgré le faible budget, Harmony Korine offre tout de même à son film une superbe photographie, qui joue beaucoup avec la lumière, bien que la plupart des décors soient glauques et respirent la mort et la misère. Il se dégage de l’ensemble une authenticité qui donne beaucoup de force à ce portrait provocateur, libre, et drôle, à l’image de la jeunesse qu’il montre. En conclusion: Harmony Korine, le petit protégé de Larry Clark pour qui il a signé quelques scénarios, montre toute l’étendue de son talent, et de son inspiration, au travers de ce film peu commun, décousu et qui au fond ne fait peut-être que raconter des choses banales, mais qui le fait avec énergie, sans complexes et avec une authenticité rare. On est en plein dans le cinéma, celui qui ose et qui se fout de ce qu’on pourra en dire.