Pablo Larrain a voulu dans son film lier les itinéraires de son héros et de son pays. Il s'explique : "Santiago 73, Post Mortem est l’histoire d’un couple en apparence insignifiant et dénué de charme. C’est l’histoire du Chili au moment du coup d’Etat militaire, une des périodes les plus noires et sanglantes du pays. L’idéal de Mario, conquérir l’impossible amour d’une femme, est aussi l’idéal d’un pays, qui tente de conquérir un noble mais inatteignable modèle politique, le socialisme. ”
"Je n’étais pas né à l’époque, mais j’ai entendu beaucoup de récits sur ces évènements dans ma jeunesse. A tel point que c’est comme si j’avais vécu le coup d’Etat, ce qui s’est passé juste avant et après également". C'est ainsi que Pablo Larrain parle du renversement du pouvoir du socialiste Salvador Allende par le général Augusto Pinochet qui a plongé le Chili dans une dictature militaire pendant près de vingt ans. Un moment qui a profondément marqué le pays et ses habitants, ce qu'exprime parfaitement Pablo Larrain: "Ce moment m’intrigue, il me suit, il m’intéresse, il m’émeut. C’est pour cela que, dans mes deux derniers films, c’est au coeur de ces évènements que je place mon récit."
Santiago 73, Post Mortem est seulement le troisième film de Pablo Larrain mais c'est déjà la poursuite d'une belle carrière. Si en 2006, son premier film Fuga n'est pas sorti dans nos contrées, il a quand même largement dépassé les frontières du Chili, présenté en sélection officielle dans de nombreux festivals internationaux. Avec Tony Manero, il s'ouvre la porte des grands festivals puisque le film est projeté en première mondiale en mai 2008, à la Quinzaine des Réalisateurs à Cannes. Il reçoit par ailleurs le prix du meilleur film au Festival de Turin et le grand prix de Cinéma en Construction au Festival de Toulouse. Quant à Santiago 73, Post Mortem, il est présenté, en compétition, à la 67ème Mostra de Venise. Un réalisateur à suivre de près...
Déjà trois films réalisés par le jeune Pablo Larrain et déjà trois collaborations avec son acteur Alfredo Castro. Celui-ci jouait déjà le personnage principal de Fuga son premier film en 2005, un musicien tentant de façon absurde de finir la symphonie inachevée de son compositeur préféré. En 2007, dans Tony Manero, il est Raul Peralta, homme obsédé par le danseur incarné par John Travolta dans La Fièvre du samedi soir. Dans ce troisième film, le réalisateur offre de nouveau à son acteur un rôle emprunt d'étrangeté avec ce personnage mutique confronté à la mort du dirigeant chilien Salvador Allende.
Pablo Larrain, en plus d'être le réalisateur et le scénariste de ses films, en est aussi le producteur. En effet, il crée en 2003, avec son père et son frère la société Fabula Productions, qui est à l'origine de ses trois films, mais pas seulement puisqu'elle produit aussi de nombreux téléfilms et des spots publicitaires, notamment pour Coca Cola ou Mastercard.
Le nom d'Alfredo Castro ne vous dit peut-être rien mais son nom n'est pourtant pas inconnu, surtout des amateurs de théâtre. En effet, l'acteur a essentiellement joué sur scène. Il a d'ailleurs créé sa troupe et est devenu un metteur en scène réputé. Il a même reçu une bourse du gouvernement français pour travailler en France, assistant tour à tour trois grands metteurs en scène très connus : Jorge Lavelli, Georges Lavaudant et Jacques Lassalle. Son expérience a d'ailleurs servi à sa relation avec Pablo Larrain puisque celui-ci le considère comme son mentor plus que comme son acteur-fétiche. Il a d'ailleurs participé à l'écriture de Tony Manero, le film précédent du réalisateur.
Pour rendre l'atmosphère des années 1970, Pablo Larrain n'a pas hésité à utiliser des objectifs russes de cette époque de la même marque que ceux utilisés par Andrei Tarkovski. Il a pu ainsi donner à l'image, froide et pâle, l'empreinte de mort liée au coup d'Etat de Pinochet.
Mario Cornejo, le personnage interprété dans le film par Alfredo Castro, a vraiment existé. C'est le vrai nom de l'homme qui a rédigé le rapport d'autopsie de Salvador Allende. Pour autant, même si Pablo Larrain a pris soin de rencontrer son fils pour en savoir plus sur l'individu, le réalisateur s'est très vite éloigné de la personne réelle, tirant de son travail d'écriture des rapports d'autopsie la matière pour en faire un personnage de fiction. Comme il le dit lui-même: " Le nom est le même, pas le personnage".
Dans ses trois films, Pablo Larrain, a introduit une scène, scène de théâtre ou de danse. Même s'il dit lui-même qu'il ne s'en est rendu compte qu'"après coup", cela a une réelle importance pour lui: "Il y a quelque chose de vraiment unique dans le fait d’être derrière la scène. Plus que la scène elle-même, ce sont les coulisses que j’affectionne particulièrement. J’aime me tenir là, sentir ce qu’il s’y passe durant un show ou une pièce. Et c’est pourquoi dans mes films, les personnages, à un moment donné, se retrouvent là, backstage. C’est un endroit très étrange, clos, un peu secret, où la seule issue mène à la scène", confie-t-il.