Situé en plein cœur de l’Asie Centrale, le Kirghizstan fait partie de l’URSS pendant la guerre froide, et jusqu’en 1991, lorsque le président Askar Askaïev prend le pouvoir pour imposer au pays un régime des plus autoritaires. Il est remplacé en 2005 (après la "Révolution des Tulipes") par Kourmanbek Bakiyev, qui dirige à son tour le Kirghizstan d’une main de fer jusqu’en 2010, où de violentes émeutes éclatent. Le parti nationaliste, opposé à la Constitution démocratique, arrive alors en tête des nouvelles élections.
Aktan Arym Kubat a commencé à réfléchir au Voleur de lumière en 2001, envisageant au départ un film sans scénario. Faute de moyens, le réalisateur s’est finalement résigné à abandonner son idée de départ et à se lancer dans l’écriture d’un script, tout en cherchant les fonds nécessaires au financement de son projet. Cette phase d’écriture et de recherches s’est étalée sur une période de 9 années, au cours de laquelle le réalisateur a pu enrichir son scénario en puisant directement ses idées dans le contexte historique de l’époque au Kirghizstan. S’inspirant des multiples révolutions et changements de régimes, l’histoire du Voleur de lumière a ainsi évolué progressivement jusqu’au moment du tournage, qui n’a pas duré plus d’un mois.
Après avoir longtemps cherché un acteur pour incarner le rôle principal du film, Aktan Arym Kubat a finalement décidé, pour la première fois de sa carrière, de l’interpréter lui-même, prêtant ainsi ses traits à Svet-ake, alias "le voleur de lumière". "Le travail n’a pas été très difficile car les techniques actuelles de tournage permettent de revoir tout de suite les prises. (…) je tournais, je visionnais aussitôt les rushes du point de vue du réalisateur, et puis je corrigeais, seul ou en équipe, le jeu de l’acteur", raconte le cinéaste, qui ne cache d’ailleurs pas ses points communs avec son personnage.
Comme à l’accoutumée, le réalisateur Aktan Arym Kubat a réuni pour Le Voleur de lumière, l’équipe technique avec laquelle il a l’habitude de travailler sur chacun de ses films. En revanche, il a choisi d’engager des comédiens professionnels pour certains rôles du film, ce qu’il n’avait encore jamais fait.
Le Voleur de lumière a été tourné au Kirghizstan, près du lac Issyk-Koul, dans une région qui a été le théâtre de la plupart des films d’Aktan Arym Kubat. "Tout le monde croit que je viens de là, mais non. C’est ma patrie cinématographique. Je suis aussi attentif au choix des lieux de tournage qu’à celui des acteurs. Je crois que chaque lieu a son énergie, son visage, sa physionomie", explique le réalisateur.
Aktan Arym Kubat confie être quelqu’un qui ne regarde pas beaucoup de films, et qui ne lit presque pas : "C’est la vie qui m’inspire, tout ce qui passe autour de moi. Tous mes films sont basés sur ça : la vie quotidienne, culturelle, politique… tout ce que je vois…"
Les figurants qui apparaissent dans le film se trouvent être les véritables habitants du village dans lequel a eu lieu le tournage. "(…) les gens du village se sont habitués à la présence de notre équipe, on est restés dans le même endroit pendant un mois de tournage. On peut même dire que tous les villageois sont devenus les acteurs, ils étaient à l’aise devant les caméras", raconte le réalisateur.
Après avoir signé tous ses précédents films sous le nom d’Aktan Abdykalykov, le cinéaste a choisi d’apparaître au générique du Voleur de lumière en tant qu’Aktan Arym Kubat, en hommage au prénom de son père biologique (Arym) et à celui de son père adoptif (Kubat). "Dans les pays orientaux, il existe aussi une coutume qui veut qu’on change de nom après avoir eu du succès dans sa carrière, pour se « débarrasser » du poids de la célébrité. C’est aussi une raison de ma décision", explique le réalisateur, qui revendique également une volonté d’évoluer et de changer.
Le film a été achevé au début de l’année 2010, fin prêt pour une présentation au Festival de Cannes. C’est à ce moment-là qu’a éclaté la « révolution sanglante » au Kirghizstan, le 7 avril. Aktan Arym Kubat a alors reçu plusieurs appels de ses producteurs, qui qualifiaient le film de "prophétique".
spoiler: En débutant son film par un carton portant la mention : "A mes petits-enfants. Qu’ils soient heureux", et en l’achevant par l’image d’une ampoule qui s’allume, Aktan Arym Kubat a souhaité transmettre aux spectateurs une note d’espérance quant à la situation politique actuelle au Kirghizstan. "Le chemin du développement démocratique est douloureux, ce n’est pas ce qu’on imaginait. Mais le pays est en train de chercher le chemin de son développement. Quant à moi, j’ai un grand espoir qu’un avenir serein nous attend", déclare le cinéaste.
Le Voleur de lumière a été présenté lors de nombreux festivals français en 2010 et en 2011, et a notamment fait partie de la Quinzaine des réalisateurs au Festival de Cannes de 2010. Il a également reçu le Prix de la Fiction au Festival International du Film d’Environnement de Paris, ainsi que le Prix Spécial de Jury et le Prix de l’Association Catholique Mondiale pour la Communication au Festival International du Film d’Amiens.