Avec Prisoners, Denis Villeneuve montre une nouvelle fois qu'il fait partie des réalisateurs les plus talentueux d'Hollywood.
Ce thriller de 2h30 vous scotche à votre siège du début à la fin et vous tient en haleine avec brio. D'une intrigue simple, le kidnapping de deux enfants, Villeneuve parvient à embrasser l'étendue de la psyché humaine et en interroger les coins les plus sombres.
Les "Prisoners", ce sont bien sûr les petites filles et le dérangé Alex Jones, séquestré par Dover, mais ce sont aussi, et surtout, Dover lui-même, le flic, Bob Taylor, etc. Tous les personnages luttent avec leurs démons lors de cette mise à l'épreuve qui les touche différemment.
Le thème du labyrinthe qui apparait au milieu du film prend alors tout sa signification: c'est le labyrinthe mental que tous les personnages doivent affronter. Les valeurs morales, les notions de justice, de coupable, de victime, tout semble se confondre pour ces personnages qui ressortent tous dégradés de cette histoire: Dover qui a annihilé sa foi chrétienne en se comportant comme une bête, Loki qui a certes résolu l'enquête, mais qui a commis plusieurs fautes, Alex Jones qui a été tour à tour coupable et victime, et surtout réduit à l'état de bête, les Birch qui ont été complices de la torture, et enfin les deux petites filles qui au milieu de ce maelström ont subi tout ce que les adultes avaient de plus noir.
Cette sombre descente aux enfers qui remet en cause les principaux fondements de la société américaine, l'Etat de droit, la civilisation chrétienne, les libertés fondamentales, se joue dans l'archétype du mythe urbain américain, la banlieue pavillonnaire paisible. Mais celle-ci est vite pervertie par ces forces obscures ce qu'un très beau travail sur la photographie du génial Roger Deakins parvient à rendre visible. L'atmosphère est grise, nuageuse, le brouillard est omniprésent et rétrécit d'autant le champ visuel et le cadre du film, nous donnant l'impression d'être...prisonniers.
Le film se termine sur une fin typiquement villeneuvienne, un cut qui intervient brutalement et nous surprend. Il ne fait pas de doute sur l'issue de cette fin; oui Loki, tout talentueux qu'il est, retrouvera Dover, mais à quel prix? Cette fin nous laisse un goût amer en définitive, tous les personnages ayant été avilis par cette sombre histoire.
C'est un grand thriller que signe Villeneuve.