Commençons cette critique par un petit point culture, qu’il me semble important de souligner, ou de rappeler. Thriller: « Le thriller (anglicisme, de l’anglais to thrill, frémir) est un genre artistique très diffusé dans la littérature, le cinéma ou la télévision et qui se subdivise en de nombreux sous-genres. La caractéristique commune des œuvres appartenant à ce genre est de chercher à provoquer chez le spectateur ou le lecteur une certaine tension, voire un sentiment de peur (qu’il doit cependant trouver agréable) à l’idée de ce qui pourrait arriver aux personnages dans la suite du récit. (source: Wikipédia). » C’est exactement dans cette optique que notre cher Denis Villeneuve (déjà réalisateur du multi-récompensé Incendies) a mis en oeuvre son thriller. On y retrouve tous les éléments clés qui font fonctionner le genre, et qui le rendent si populaire (avec un fameux twist final, dont le public raffole, et sur lequel je reviendrai plus tard). Plus encore, on note une réussite exemplaire au niveau d’un point très important également: La manipulation du spectateur. Tous les éléments qui permettent de résoudre l’enquête sont présentés et montrés à un moment ou à un autre dans le film, rien ne nous est caché ou dissimulé, la seule chose qui manque étant les liens entre les indices parsemés tout au long de cette longue intrigue (2h30). Autrement dit, attendez-vous à vous sentir un peu bêtes lorsque tout deviendra clair. Ce qui m’emmène à parler du scénario. Malheureusement, si on lui reconnaîtra une très bonne écriture, soignée, et une histoire donc brillamment pensée, l’ensemble souffre tout de même de son manque de prises de risques, et de de nouveautés, emmenant parfois à une chute du suspense. Ce n’est pas vraiment un défaut, puisque tous les sujets qui entourent l’intrigue (que je ne citerai pas pour ne pas gâcher la surprise) rattrapent ce petit point noir, même si tout n’est pas réussi. En effet, c’est un ensemble très inégal. Il y a de très nombreuses fulgurances, parfois impressionnantes de maîtrise tant sur l’écriture que dans la façon dont elles ont été mises en scène (le meilleur exemple étant une séquence en voiture à la fin, absolument magnifique, sur tous les points), mais qui finissent par frustrer, car dès lors qu’une séquence fait monter la tension de façon considérable, elle s’écroule dans la séquence suivante. Néanmoins, on ne sent par conséquent pas réellement de grosses longueurs, puisque grâce à ces moments forts, le rythme reste assez bon. Passons maintenant au casting. Contrairement à ce que l’on pourrait croire, et contrairement à ce que beaucoup disent, le personnage principal n’est pas celui de Hugh Jackman. Un personnage qui est d’ailleurs insupportable, complètement antipathique, et qui n’est pas aidé par le manque d’expression de son célèbre interprète australien buveur d’Ice Tea. Mais, on lui accordera tout de même un certain « mieux » par rapport à ses interprétations précédentes, et quelques scènes vraiment touchantes (mais c’est « émouvantes » que j’aurai vraiment aimé placer dans cette phrase). Le personnage, et surtout l’acteur, qui va vous faire froid dans le dos avec son interprétation: c’est Jake Gyllenhaal. Une interprétation aussi excellente que inattendue, car il campait déjà un rôle du même genre dans le Zodiac de Fincher. On sent un vrai investissement, et une grande maturité, qui servent parfaitement ce qui s’avère être le meilleur personnage du film, celui qu’on a le plus de plaisir à voir agir à l’écran. Ce qui est dommage d’un certain côté, car on était plus en droit d’attendre cela de la part du personnage coupable, finalement le personnage le plus raté du film, et qui montre le désastre qu’il a subit lors d’une scène de confrontation ridicule, qui vire presque à la farce dès lors que sont évoquées ses motivations, ou dans la façon dont elles sont présentées/dites. Néanmoins, dans l’ensemble, Prisoners reste un thriller d’excellente facture, qui prend un risque considérable dans sa scène finale, mais un risque qui valait la peine d’être pris puisque cela rattrape le gros raté qu’est le personnage coupable, et cette de confrontation finale grotesque. Porté par un Jake Gyllenhaal plus que surprenant, Prisoners reste, malgré ses défauts, un film qu’il serait dommage de louper, étant donné qu’on le classera facilement parmi les bons films du genre, qui se font rares.