Le Monde fantastique d’Oz est un très beau film, mais qui curieusement, l’est davantage par ses personnages que par son visuel.
Les acteurs sont clairement un solide point, et notamment l’excellent James Franco, qui livre une prestation pleine d’élégance et de raffinement, avec un zeste d’humour et un évident coté sympathique. Il se fait plaisir à incarner ce magicien, et, très bon acteur en règle général, il lui donne beaucoup de relief, se glissant dans la peau d’un personnage plus complexe qu’à première vue, et très intéressant. Face à lui je relève un casting féminin réussi, mais qui peine un peu à trouver sa place. Mila Kunis se débrouille bien, surtout en méchante en fait, et Rachel Weisz, actrice talentueuse, est pour sa part un peu mal à l’aise. Elle n’est pas aussi inquiétante et charismatique qu’attendue. Michelle Williams de son coté est surement celle qui s’en sort le mieux des trois, même si là encore c’est en-dessous du reste du casting. Il faut dire en effet qu’il y a quelques personnages du film haut en couleur et excellents, dans le singe-groom et dans cette poupée de porcelaine. Ils forment avec Franco un trio irrésistible, et il y a des passages avec eux absolument délirants, mais aussi riches en émotions. Pour le reste les seconds rôles sont très correctes, avec un Raimi qui comme souvent case quelques apparitions de ses amis, ici Campbell et Ted Raimi.
Le scénario est un autre très bon élément. L’histoire dégage beaucoup de poésie, de charme, on plonge dans un monde onirique et dépaysant, mais ce qui surprend c’est que le film a une réelle profondeur. Tout ce que le Alice de Burton n’avait pas en fait. Oz est un métrage drôle souvent, avec beaucoup d’émotions et de sentiments aussi. Oz n’a pas tout sacrifié à ses images, à sa loufoquerie, et il y a beaucoup d’humanité dans ce film, avec même, une certaine cruauté quant on pense au sort de Kunis. Au bout du compte ceux qui recherchent une superproduction touchante, seront ravis ici, car Oz l’est assurément. Par ailleurs le rythme est efficace, la gradation est bonne, et malgré quelques facilités scénaristiques (oui bon, certains rebondissements ne surprendront pas), l’ensemble est de très bonne tenue.
Visuellement, c’est là où j’ai été un peu étonné. Ce film a plus de 200 millions de budget, il a été largement loué pour ses effets visuels, pourtant Oz est un peu convenu de ce coté là. Alors je ne dis pas, la photographie est absolument sublime, avec une richesse de couleurs notamment qui dépote. Les idées de décors sont mémorables, et la mise en scène de Raimi ne souffre guère de reproche, malgré quelques passages un peu foutraques (dans le champ de coquelicots par exemple). Mais il y a un souci de texture quand même. Je prends l’exemple de la porte de la salle du trône, qu’ouvre Tony Cox. On ne sent absolument aucune matière, elle fait artificielle, et dans beaucoup de jeux vidéo aujourd’hui il y a aussi bien en rendu visuel. C’est le problème d’ailleurs général du film : les textures ne rendent pas du tout, sauf à quelques exceptions comme le savon des bulles. J’ai eu le même sentiment sur Alice de Burton, et je pense que c’est un problème global des films qui font le pari du tout numérique. Il y a un certain nombre d’incidences imprévues, qui agissent sur des décors naturels, dans le tout numérique ces incidences n’apparaissent pas, auquel s’ajoute un problème pour l’instant assez insoluble dans les fx, à savoir la matérialité. Mais bon, je ne vais pas faire tout un fromage là-dessus, mais avec 200 millions, ce n’est pas un problème minime. Je conclurai bien sur sur la bande son, avec une superbe composition d’Elfman. Un poil sous-exploité me semble-t-il, elle méritait vraiment d’être mise au premier plan. A noter qu’on évite ici le film musical, et ce n’est pas plus mal.
En conclusion Le monde fantastique d’Oz est une belle réalisation de Raimi, qui mérite une réelle attention. Mais comme annoncé, le film m’a beaucoup plus bluffé par sa profondeur et son humanité, par sa jonglerie entre les émotions qui est d’une finesse remarquable, que par sa dimension technique, finalement un peu en dessous de ce que le budget et le caractère dernier cri du film à sa sortie lui permettait d’atteindre. Les prestations moyennes des trois actrices principales, les quelques facilités scénaristiques pointées du doigt, le manque de texture des décors m’oblige légitimement à temporiser ma note, mais si vous voulez rêver 2 heures et ressortir de votre visionnage en ayant l’impression d’être plus riche humainement, alors lancez vous.