QUI N'A PAS DE COUCHANT ET N'AURA PAS DE NUIT : Une scène d'entrée qui en dit long sur le film : Deux hommes dans un cabanon, cigarette à la main, le silence de la nature, le repos du guerrier, pas un mot, pas une parole, le feu et le décor froid, implacable et déjà l'on comprend « Two Gates of Sleep » n'est pas un de ces pseudo-film d'auteur à prendre à la légère, c'est une œuvre, une œuvre singulière et profondément authentique qui se dresse contre toute cette frénésie active basée sur un mouvement incessant que constitue le cinéma, dit populaire, à l'heure actuelle et surtout en période de fêtes. Évidemment, le rythme d'une lenteur subjuguante pourra en rebuter plus d'un, le manque flagrant de parole ou d'intérêt selon les esprits, l'insignifiance de la situation ou son absurdité ; l'œuvre n'est pas à même de plaire à la masse, avide de vitesse et d'éclat fulgurant. Ici l'immobilité est maitre, les plans fixes se succèdent, la contemplation d'un horizon, d'un ciel, de nuages roses perçant l'air de leur lueur folâtre, les frondaisons verdoyantes, les bosquets et les clairières lumineuses où toute vie prend un sens et une signification bien plus profonde qu'aucune idiotie contemporaine, occidentale, moderne ce que l'on voudra... Car ce film, oui, il m'est apparu comme étant profondément anti-sociale, contre beaucoup de choses, contre ce délire incessant que nous subissons, nous, soi-disant maitre de nous-même mais perdu dans les tourbillons insensées de ce que l'on appelle 'existence'. « Two Gates of Sleep » c'est le sommeil de l'aventurier avant la marche vers la dignité, les dernières volontés d'une mère, souhaitant demeurer au sein de cette nature natale, cette forêt vaste et pure, quasiment de toute pression humaine, c'est le chemin initiatique de deux frères, en proie au même peur, au même démon, au même amour pour le sein maternel, désireux d'accomplir la tâche, dussent-ils y laisser bravement leur peau, fouetté par l'inanition, la soif et le désir d'être sauf. N'est-ce pas d'ailleurs dans ce cercueil porté sur les eaux du lac par le désespoir, la force des deux hommes qui symbolise tout le film ? Cette recherche, cette quête d'une mort douloureuse, un nouveau départ dans les entrailles de cette nature, inconnue, aimante, libre, liberté qui s'exhale de partout... Et puis, surtout, pour en revenir à des thèmes plus proches de l'œuvre, disons, artistique, « Two Gates of Sleep » est visuellement époustouflant, chaque scène une pur e merveille de douceur et de rudesse, de splendeur et de torpeur difficile, car si le soleil est sain, tendre vapeur chaude caressant la chair, l'homme est, sur cette terre, un poids pour lui-même, un fardeau à porter. Finalement, un film parfait ou presque ; une petite dose de magie en plus sans doute n'eut pas été de trop mais qu'importe ! Un film qu'il faut voir. Qui n'est pu à voir, ou quasiment plus hélas... Merveilleux.