Même après avoir laissé reposer plus d'un jour, j'ai vraiment du mal à savoir ce que je ressens à propos du premier film de David Robert Mitchell, réalisateur du récent et très remarqué It Follows. Le jeune réalisateur prend le parti de décrire la dernière nuit d'adolescents de Detroit avant la reprise de leurs cours, nuit dont il fait disparaître les adultes pour se placer sur un plan quasi-allégorique et regarder l'adolescence comme un microcosme reclus, un entre-deux presque illusoire entre l'enfance et l'âge adulte et ses obligations prosaïques. Au lieu de décrire l'adolescence avec un regard outrageusement mélancolique, de verser à plein dans la nostalgie, Mitchell préfère aller à contre-courant de la vision souvent véhiculée sur l'adolescence (sans doute à raison) : celle d'un âge plein de vitalité, à qui la transition de l'enfance vers l'âge adulte et les premiers désirs donnent un sentiment d'urgence, d'un besoin de vivre qu'on ne retrouvera jamais par la suite. Pourtant, le tableau habituel est bien là ; les amours naissantes, les soirées en bande où l'on se sent comme le centre du Monde, les errements urbains à la recherche de quelque chose d'in-identifiable. Mais tous ces éléments, Mitchell refuse d'entrer en synergie avec, maintenant une mise en scène étrangement absente, disons plutôt déconnectée. Je retiens surtout, pour souligner ce regard anti-mélancolique qui ne vise en rien à appuyer la sensation que cette période est irremplaçable et souligner le désir de la revivre, une scène étonnante ou un plan fixe ralenti montre l'entrée des adolescents dans la maison de celui qui organise le fameux sleepover. En ralentissant le temps, Mitchell aurait pu justement renforcer l'importance du moment, en faire quelque chose d'unique qu'il aurait aimé figer. Mais fugitivement, la lenteur du mouvement, la position des personnages, presque en file indienne, m'a plutôt fait penser à une procession, quelque chose de résigné, loin de l'image de liberté qu'on garde souvent de cette période de nos vies. Si nostalgie il y a, je crois que ce n'est pas vraiment celle de l'adolescence elle-même, celle de son souvenir. C'est plutôt celle de la perception qu'on en a, un regard d'adulte déçu de ne plus savoir accorder à ces réminiscences l'importance et la beauté qu'elles avaient à cet âge. A ce titre et même si les deux films ne traitent pas du même sujet, The myth of the american sleepover est à des années-lumières de Bellflower (lui aussi présenté à Sundance), le premier film d'Evan Glodell, et son lyrisme à mi-chemin entre adolescence et adulescence. The myth of the american sleepover, titre très parlant, d'ailleurs. Le choix du mot mythe renforce vraiment mon impression, celui de quelque chose qui nous trompe, d'une vision perdue du Monde, de quelque chose de disparu et d'aujourd'hui imparfaitement compris. Et les regrets adultes quant à la fuite de cette adolescence sont d'ailleurs clairement soulignés par l'histoire de cet étudiant désormais à l'université, et son parcours invraisemblable (mais Mitchell n'a me semble t-il jamais recherché un quelconque réalisme) pour retrouver deux jeunes filles qu'il a connues au lycée. Sa relation avec ces jeunes filles, jumelles, est d'ailleurs vraiment étonnante, et vaut sans doute au film une demi-étoile de plus sur ma note. Elle illustre bien, je trouve, la difficulté de l'adolescent à se construire et à détacher son individualité du cercle familial qui fait à lui seul le noyau dur de l'enfance. Après, bien qu'il y ait tant à dire sur The myth of the american sleepover, long-métrage original à la nostalgie voilée et distillée avec habileté, son parti pris de mise en scène et les choix musicaux qui vont avec le rendent bien plus terne que percutant. S'il n'est pas désagréable, c'est même un film quelque peu figé, et pas sûr que les souvenirs que j'en garderai seront impérissables. Avant de voir It Follows, salué comme un film d'horreur novateur mais qui me parait lui-aussi très axé sur l'étude de l'adolescence, je suis quand même rassuré de constater que Mitchell est bel et bien obsédé par ce thème de prédilection. Cela me laisse vraiment espérer, pour la petite tornade de ce début d'année, un film réellement personnel.