Bienvenue en voyoucratie. Daniel Espinosa tue l’innocence d’une Suède paisible, havre scandinave parmi d’autres, en démontrant, à la manière de Refn avec Pusher à Copenhague, que la pègre est elle aussi présente à Stockholm, capitale en pleine expansion. Par le biais de trois personnages distincts, le cinéaste fait s’entrechoquer les destinées. Le tueur à gages de la mafia Serbe, le narcotrafiquant d’immigration latine et le jeune suédois, naïf, implacablement attiré par les sommets, se côtoient, se croisent et s’entretuent. La belle affaire pour un polar conventionnel qui manque parfois de vitamines, qui manque d’un certain panache ayant fait la réussite de la trilogie Pusher. Pour autant, les amateurs du genre seront ici aux anges, le modèle cinématographique étant pleinement respecté et surtout, assumé.
Snabba Cash, ou Easy Money, c’est surtout l’occasion de découvrir quelques talents exotiques. Le cinéaste d’abord, Daniel Espinosa, qui lui, dès le succès du présent film, aura filer en terre américaine pour réaliser son premier film à Hollywood, Safe House. A la manière de quelques-uns de ses confrères scandinaves, voilà un nouveau metteur en scène que l’on retrouvera sans doute à nouveau sur la scène international. En parlant de cinéma global, voici que l’on découvre Joel Kinnaman, jeune acteur suédois que l’on verra sous la masque du prochain Robocop. Toute une histoire, certes, mais soulignons que Snabba Cash semble être l’élément déclencheur de ce succès pour l’acteur et le réalisateur.
Pour en revenir au film en lui-même, l’on ne pourra faire abstraction d’une légère tendance à la dramatisation. S’il est réjouissant de voir comment se termine les aventures criminelles de chacun des personnages, propos pessimiste, il n’est pas pour autant toujours agréable de voir comment Espinosa fait de ses personnages des victimes. A ce titre, bien des séquences dialoguées démontrent que le cinéaste n’invente rien mais s’inspire sans retenue de ses aïeux. Pour tout dire, hormis le personnage de Joel Kinnaman qui entre dans le milieu pour rester compétitif dans l’incursion de la jeune Jetset suédoise, l’ensemble des situations s’avèrent franchement bien trop référencées, classiques. Morale d’un vieux roublard à la jeunesse, la fierté mal interprétée d’un boss serbe, l’amitié improbable entre trafiquants, bien des sous-thèmes qu’Espinosa ne semble pas avoir complètement maîtrisés.
Cela dit, dans l’ensemble, le film est positif, divertissant, relativement simple d’accès. Un polar suédois bon à prendre en cette période de vache maigre. Peu importe les fautes de goût, les quelques mauvaises lignes de dialogues, voilà un film correct, ce qui n’est pas un moindre fait de nos jours. Longue vie et prospérité au cinéma scandinave, qu’il soit suédois, norvégien, islandais ou surtout danois. 14/20