C’est le deuxième long-métrage de Xavier Dolan, qui n’a alors que vingt-et-un ans, et déjà une maîtrise technique prodigieuse. L’intrigue manque encore de maturité, et sa surcharge d’effets de style symboliques ne masque en rien le pitch très basique : un triangle ado, où s’opposent deux amis d’enfance pour un ange solitaire. Les amours imaginaires, ce sont ces idylles fantasmées, qu’aucun lien ne pourra freiner. L’Apollon de l’histoire, celui qui chavire les cœurs d’un simple regard, est le même que sa propre statue, factice, asexué mais surtout fascinant. Avec ses grandes boucles blondes et son sourire lointain, Niels Schneider prolonge son rôle de J’ai tué ma mère en s’approchant du Tadzio de Mort à Venise. La référence pourrait être voulue, tant le jeune cinéaste empile ici les clins d’œil à sa profession. Mais il a indubitablement sa propre patte. Caméra au poing, il serre ses cadrages, voile sa lumière, filtre ses couleurs, insiste sur les ralentis. Il s’amuse aussi à jouer de la musique, soignée, originale et souvent bien trouvée, comme dans ce vieux hit yéyé qui surligne les espoirs d’attirance et les séductions vaines. Rempli de trouvailles graphiques, de choix audacieux, l’essai ne vole pas son César et son prix Regard jeune à la grand-messe cannoise. C’est vrai, on pourra regretter les maladresses, nombreuses, et la relative vacuité du propos central. Il n’en reste pas moins que c’est un film frais, qui invite à plus qu’entrevoir ce que cette carrière à l’aube a de promesses en elle. Les multiples hommages qui teinteront les années à suivre semblent le confirmer. Ce petit homme a tout pour devenir grand.