Dans le genre film grindhouse, cela faisait un bout que je n’avais pas vu un film aussi rondement mené, certes, pas exempt de défauts, mais d’une fureur indéniable.
D’abord le jeu des acteurs est franchement très solide. Dur de faire le moindre reproche notable, avec des salauds que l’on a réellement envie de flinguer. Leurs personnages ont absolument tous les vices et les acteurs ne donnent que très rarement l’impression de surjouer, incarnant ces psychopathes avec un naturel déconcertant. En face il y a Cheryl Lyone et Christina De Rosa. La seconde à un rôle limité, mais elle est convaincante, quant à Cheryl Lyone, elle se débrouille vraiment bien avec un rôle pour le coup difficile et complexe. Elle n’est peut-être pas aussi percutante qu’attendu, mais son personnage ne manque pas d’intérêt et elle-même parvient à lui donner un réel relief. De ce point de vue rien à redire donc.
Le scénario est efficace. Le rythme est soutenu, il n’y a pas une longueur, tout avance vite, et l’histoire, bien que pas très originale dans le genre, est rondement mené. Le film nous plonge dans un univers malsain et décadent, et il exploite sa recette à fond. Run Bitch Run rebutera ainsi la majorité du public, pourtant il ne manque pas d’atouts non plus, en ne présentant pas ses horreurs comme un prétexte racoleur. D’ailleurs le réalisateur filme par exemple un viol avec une étonnante pudeur, conservant un coté choc certes, mais ne surjouant pas dans le graphique et l’explicite. Le film sait faire preuve de gravité, de sérieux, et la conclusion le prouve assez. J’ai beaucoup apprécié que le réalisateur exploitant son registre ne reste pas sur du superficiel ou du racolage, comme le début le laissait supposer. Run Bitch Run a quelque chose d’émouvant, et peut-être d’engagé.
Visuellement le réalisateur maitrise son sujet, avec une mise en scène enlevée, parfaitement conduite, malgré des morceaux délicats à traiter. Outre le viol justement, dont les partis-pris de réalisation m’ont surpris et qui s’avère tout à fait convaincant, la scène finale ne manque pas de puissance, et j’ai beaucoup apprecié la sobriété de l’ensemble. Guzman n’en surajoute pas dans les effets de style, cela donne un film simple et brut de décoffrage du meilleur effet. Les décors en revanche reste assez limités, mais ils suffisent largement au propos du film, et la photographie, travaillée, notamment dans un sens « grindhouse » affirmé ne manque pas d’allure. Évidemment Run Bitch Run est un film violent, mais comme déjà souligné, moins graphique qu’attendu. Reste qu’il est limité à un certain public, car la violence montrée ou non reste brutale. Bon effets sanglants, mais quelques victimes aurait du s’arrêter de respirer après leur mort effective quand même ! Enfin la bande son est impeccable. Plutôt douce et mélancolique dans ce que j’appelle l’effet Cannibal Holocaust, elle rend merveilleusement ici. Elle est un élément de plus qui pour moi fait de ce Run Bitch Run plus qu’un simple métrage de série B quelconque, un film qui cherche réellement à faire passer des sentiments.
En conclusion Run Bitch Run m’a agréablement surpris. Guzman use d’un registre underground avec intelligence. Derrière un aspect rape and revenge des plus basiques, ce métrage surprendra par sa solidité, et par son propos. Il sait se montrer touchant et réaliste quant il le veut, il sait ne pas tomber dans le racolage outrancier, et, je pense que l’on tient là, dans son genre, un des films les plus réussis. Je lui accorde volontiers 4.5, car il sait ce qu’il veut, et le transcrit avec fort peu de bavures.