Avec Tous les soleils, Philippe Claudel signe son deuxième long métrage, trois ans après Il y a longtemps que je t'aime, adapté de son propre roman. Ce drame avait été récompensé du César de la Meilleure première oeuvre et avait attiré plus d'un million de spectateurs dans les salles. Un succès public et critique qui a permis au cinéaste d'avoir toute latitude pour le casting de Tous les soleils. Ainsi Claudel a t-il pu prendre le risque de faire appel à un acteur méconnu du grand public (Stefano Accorsi) pour tenir le rôle principal. C'est d'ailleurs la première fois que le comédien italien est en tête d'affiche d'un film français.
Après Il y a longtemps que je t'aime, Philippe Claudel passe du drame à la comédie avec Tous les soleils. Le réalisateur pointe plusieurs différences majeures entre les deux films, et déclare être passé d'un film silencieux à un film bavard, d'un film de femmes à un film d'hommes. Cependant, Claudel a conservé un thème commun aux deux longs métrages : le rapport à autrui. "Comme dans Il y a longtemps que je t'aime, ce film dit l’importance des autres. Les personnages arrivent à accéder à un certain bonheur parce que les autres les y aident," explique le cinéaste.
C'est la toute première fois que Philippe Claudel porte à l'écran un scénario original. Auparavant, sa filmographie n'était riche que d'adaptations, de ses propres écrits (Les Ames grises, Il y a longtemps que je t'aime) ou de romans d'autres auteurs (Sur le bout des doigts, d'après Nancy Huston et Yves Angelo).
Philippe Claudel a choisi de situer l'action de son film à Strasbourg d'une part parce que, vivant à Nancy, il connaît bien la région. D'autre part, le réalisateur entendait ainsi renforcer l'une des thématiques de son film, le multiculturalisme. Strasbourg, siège du Parlement européen et de fait à la croisée des cultures, était un lieu tout désigné.
C'est une musique traditionnelle italienne, la Tarantelle, qui a inspiré au réalisateur Philippe Claudel le personnage principal de Tous les soleils. Selon la tradition, cette musique était censée guérir les gens qui s'étaient fait piquer par une tarentule, et remettre un peu de vie à l'intérieur des cœurs abattus. "Il y a une telle magie dans cette musique, un côté tellement charnel, sensible et humain. Les Tarentelles recouvrent toutes les émotions : la joie, la tristesse, la sérénité, l’allégresse… Cette musique m’a inspiré assez vite un personnage de professeur de musique baroque qui vit à Strasbourg," raconte Philippe Claudel.
Pour incarner les personnages de Tous les soleils, Philippe Claudel a opté pour un casting plutôt surprenant, en faisant jouer des comédiens peu connus du grand public, à l'exception d'Anouk Aimée. "(...) mon plaisir au cinéma est aussi de découvrir des visages que je ne connais pas. Si j’avais pris un casting d’acteurs très connus, le film n’aurait pas du tout donné le même résultat," explique le cinéaste, qui a également choisi de marier les cultures en faisant appel à plusieurs acteurs italiens tels que Stefano Accorsi et Neri Marcoré. "J’aime travailler avec des acteurs étrangers, mêler les origines. C’était enrichissant de faire cohabiter à Strasbourg, sur fond de Tarentelles, deux comédiens italiens (...).," raconte Claudel.
La volonté de Philippe Claudel d'apporter à son film une certaine authenticité et un aspect réaliste se retrouve dans le soin méticuleux apporté à la conception des décors. "La photographie de Denis Lenoir, avec lequel j’ai eu une vraie et immédiate complicité a renforcé sur toute la durée du film cette touche que je voulais chaleureuse et humaine, sans être excessive," raconte le cinéaste, qui témoigne d'un rude travail pour arriver à rendre sincère l'univers du film.
La légendaire comédienne Anouk Aimée, figure marquante des cinémas français et italien, a immédiatement accepté de jouer dans Tous les soleils, pour le plus grand bonheur de Philippe Claudel. "Anouk a un visage naturel… Et ça change tout. J’ai aimé la filmer, la mettre en valeur. Et quel talent !," raconte le réalisateur.
Après Demandez la permission aux enfants ! (2006), la jeune Lisa Cipriani (alias Irina) fait avec Tous les soleils sa deuxième expérience au cinéma. Après avoir été une véritable révélation pour Philippe Claudel lors des castings, elle n'a cessé d'impressionner le cinéaste pendant le tournage du film. "Sa montée en puissance au fur à mesure de la préparation et du tournage a été spectaculaire. Au-delà du fait qu’elle est très jolie, très photogénique, elle a un vrai talent de jeu, une vraie présence," s'enthousiasme le réalisateur.
Tous les soleils contient de nombreuses clins d'œils artistiques, qui correspondent aux références du cinéaste. Ce dernier évoque notamment la légende d'Orphée et Eurydice, ainsi que l'œuvre littéraire d'Ismail Kadaré et celle, cinématographique, de Henry Hattaway (avec un extrait du drame Peter Ibbetson dans lequel Gary Cooper ne peut retrouver sa défunte épouse que dans ses rêves, jusqu'à ce qu'il meure lui-même et la rejoigne finalement dans le songe ultime). Le film laisse également entrevoir plusieurs hommages au cinéma italien des années 60-70. "Mais tous ces chefs-d’œuvre que j’ai vus dans mon adolescence sont des références un peu écrasantes. Je ne cherche évidemment pas à arriver à la cheville de Dino Risi, de Mario Monicelli ou de Pietro Germi. Juste à tenter, d’essayer d’être dans cette veine-là en passant du rire à l’émotion," explique Philippe Claudel.
Philippe Claudel témoigne d'une authentique bonne humeur de la part de tous les membres de l'équipe du film lors du tournage. Fous rires, motivation et camaraderie semblent ainsi avoir été de mise lors de la réalisation de Tous les soleils. "De l’avis de tout le monde, techniciens, comédiens… Ce tournage a été un vrai bonheur. J’allais le matin sur le tournage, heureux comme un enfant, sans stress. Chacun s’impliquait avec passion," se souvient le cinéaste.
Loin d'être un film engagé, Tous les soleils laisse cependant passer de subtils messages sur certaines idées politiques, notamment grâce au personnage décalé de Crampone, manifestant en robe de chambre. "Sans tomber dans la leçon politique un peu lourde, je tenais à ce qu’il y ait dans le film de petites piques caustiques et des messages simples mais qui pourraient être assez efficaces si on les écoute," explique Philippe Claudel.
Pour Tous les soleils, Philippe Claudel choisit un acteur avec un accent italien pour incarner son héros. Une autre comédienne s'exprimant, elle, avec une pointe d'accent anglais, tenait la vedette d'Il y a longtemps que je t'aime. Ce choix est délibéré de la part du réalisateur, qui développe ainsi sa thématique du multiculturalisme, tout comme il le fait en retenant Strasbourg comme décor de son film.
Le titre originel de Tous les soleils était Silence d'amour, du nom de la cantate chantée par Stefano Accorsi à la fin du film.