On l’a dit, répété, le destin reconstitué de ces néo-conquistadors, suspendus dans la nuit d’une orbite à six cents bornes du foyer, est juste ahurissant. On peine à croire qu’en dehors des visages, tout est codé, tracé, numérisé, reprogrammé, que tout, de la station Soyouz à un rivet de douze, d’un fragment de combi à un anneau de gaz stellaire, est part d’une grande tarte visuelle entièrement fantasmée sur computer. De ce terreau qualité supérieure, la graine de talent qu’est Cuarón avait le sol fertile pour s’élever dans les airs. La peur, de l’isolement, de l’inconnu, la perte des repères : comme l’interminable haricot magique, les tiges du synopsis bourgeonnent, s’allongent, s’éloignent puis se resserrent ; les unes s’étiolent, les autres s’entortillent en un tronc commun vers l’ultime objectif : vivre. Sandra Bullock tient là son plus grand rôle. Juste, économe, habitée : c’est beau une actrice bien menée. Au-delà des effets spéciaux extraordinaires, la photo est sublime, chef opé de Terrence Malick oblige, et derrière la bande-son magistrale marque le rythme, soutenant la tension, soulignant l’émotion. Difficile de rester froid devant pareille démonstration, si prenante, si palpable. Dans l’espace, personne ne vous entendra crier – mais méfiez-vous, derrière les parois de votre salle de séjour, tout reste possible.