Je précise d'emblée que je ne suis pas du tout fan des films d'équitations, souvent d'une infantilisation épouvantable. Mais comment expliquer mon admiration pour Jappeloup, malgré ma grande exigeance cinéphile ? On l'accuse d'être américain, d'être une histoire dont on connait d'avance la fin, de verser dans la grandiloquence et les bons sentiments, mais alors que d'habitude cette démarche m'agace, elle a ici été pour moi une grande bouffé d'oxygène. Bien qu'il ne soit pas du Almodovar ni du Renoir, Jappeloup passionne. Cela grâce à une histoire, qui si elle ne réinvente pas les codes de la biographie romancée, évite tous les pièges : nous avons là un héros (Guillaume Canet) non stéréotypé, un personnage complexe qui, s'il est sympathique, ne cache pas qu'il est un petit bourgeois gâté, capricieux, égoiste, incapable de ne pas piquer sa crise au moindre revers, mégalomane au point de n'être contenté que par le plus illustre des prix, et invivable par son entourage -son évolution positive ne le métamorphosera pas entièrement. L'excellent Daniel Auteuil, passe d'une image de père indigne à celle que nous découvrons, un homme qui a tout sacrifié pour le bonheur de son fils, quelqu'un que nous voulons constament étreindre, et Marina Hands, en femme forte et franche, campe un personnage à l'image mitigée à travers le film. Quand à la percutante Lou de Laâge, révélation, elle percute avec cette jeune fille à la fois capable de comprendre par la maturité de ses sentiments ce qu'un cavalier ne comprend pas des animaux qu'il exploite, et pourtant tristement adolescente (un césar de l'espoir en vu ?). Nous savons que cette histoire finira bien, et pourtant, miracle, le suspense est là pour les plus fines bouche : à force de rebondissements inattendus et effrayants, de disputes et de tensions, le film devient un vrai thriller à travers sa longueur : les scènes de saut d'obstacle sont à couper le souffle par la peur qu'elles insufflent en nous. Tout cela aurait peut être été mal mené sans la mise en scène exceptionnelle du réalisateur, entre spectaculaire coup de poing et recherche personnelle (les français seraient-ils les meilleurs cadreurs ?) : au milieu des images parfois presque trop belles, les scènes entrent dans le panthéon de la tension. Et de l'émotion au final. Par la conjugaison d'une forme percutante (musique, réalisation, montage) et d'un scénario fin, Jappeloup submerge d'émotion lors de la fin de cette histoire haletante, transformée en feu d'artifice émouvant et euphorisant. On se dit en sortant de la salle que les belles histoires au cinéma, quand elles sont un peu romancées, peuvent être parfois plus puissantes que les histoires les plus ambigus, sombres et audacieuses. Une réconciliation avec le cinéma biopic de modèle américain.