La crise économique n’en finit pas de faire des victimes. Ici, c’est le cinéma qui s’en tire plutôt mal. Il faut dire que le programme était inquiétant : cinéaste léger, Klapisch est bon quand il traite de sujets drôles, mais il s’est toujours planté dès qu’il a tenté de sortir de la comédie. Et là, pour revenir sur mondialisation, les délocalisations et les dérèglements de la finance, le réalisateur fonce dans le tas avec la légèreté d’une charge de Panzer.
En faisant se rencontrer un requin de la finance et une mère courage licenciée, il prend le sujet par le petit bout de la lorgnette pour délivrer un message à la fois simpliste et démagogique. Un film où l’on va montrer à quel point les financiers sont des salauds sans cœur et combien les petites gens souffrent pour boucler leurs fins de mois. On va même souligner tout ça au Stabilo avec force symboles jusqu’à la nausée, juste pour être sur que le public aura bien compris, je ne me souviens pas avoir été aussi embarrassé dans une salle obscure depuis longtemps. Que ce soit quand Klapisch filme les pauvres en train de faire leurs courses à LIDL après la paye du mois sur la musique de Pretty Woman, ou quand Karin Viard explique à sa fille qu’il faut nourrir les petits canards plutôt que les gros, sinon les gros ne partagent pas. La vie, c’est facile, y a les gentils pauvres un peu cons et les méchants riches qui savent faire du pognon, mais pas aimer une femme, faire leur repassage ou s’occuper de leur gosse. Consternant.
Pour couronner le tout, c’est cinématographiquement assez mauvais. Histoire d’accentuer le pathos, les personnages sont écrits à la truelle, entre Karin Viard qui sort d’une tentative de suicide avec une pêche à tout casser (c’est bien connu) et Gilles Lelouche qui est très content de sa vie de trader jusqu’au jour où il se met à se poser des questions existentielles entre deux petits fours. Ce personnage de trader, sorte de Gordon Gekko français, n’est absolument pas crédible, étant à la fois un cliché sur pattes (vicieux, hautain, goujat, violent, bref, une vraie ordure), et complètement ahuri, limite débile profond, tant il ne semble jamais se rendre compte des conneries qu’il débite à longueur de journée. Perdu dans des dialogues absolument navrants, Gilles Lelouche fait beaucoup d’efforts mais passe totalement à côté de son contre-emploi, incapable de faire passer la moindre dureté ou méchanceté, coincé dans son registre de bon gars lambda. Sans compter que le rebondissement principal du film intervient quand il balance son fiel à un balcon…alors que Karin Viard est juste en dessous. Personne n’avait manifestement plus de dix secondes pour écrire une scène correcte, tant pis.
Et quand l’exutoire arrive, où le vilain se fait enfin péter la gueule sur un parking de Dunkerque par Xavier Matthieu ( !) à côté de son coupé Mercedes, on se dit qu’on a vraiment touché le fond du fond en terme de film politique. Si vous voulez une analyse profonde sur la crise, louez Inside Job. Et si vous voulez vibrer au son d’une revanche des petits sur les grands, drôle et intelligente, revoyez le merveilleux Looking for Eric
http://dh84.over-blog.com/