Fortapàsc raconte l'histoire d'un jeune journaliste italien, qui a été assassiné par la camorra. Giancarlo Siani, figure emblématique de la liberté de l'information, reste à ce jour le seul journaliste a avoir été tué par cette organisation mafieuse. Un signe ? Certainement.
A travers cette première scène, qui mêle douceur et mélancolie avec tristesse et noirceur, une parfaite symbiose est mise en place, qui le restera sur toute la durée du film.
Un jeu sonore est présent du début à la fin, par l'intermédiaire d'une bande-son exemplaire et d'une voix-off qui donne tout un sens à un film dont la narration est le point primordial. Giancarlo Siani, qui est-ce ? En début de film, personne. Journaliste à peine en devenir à Torre Annunziata, il est contraint de s'occuper de faits divers, et ses petits articles amusent Valentino Gionta, le mafieux du coin. Ses soucis principaux sont sa relation avec la sublime Daniela et les problèmes de drogues de son meilleur ami et collègue, Rico.
C'est au fil des minutes que son intérêt pour rétablir la vérité et la justice va s'accentuer et devenir toujours plus dérangeant pour les personnes haut placés. La mise en scène est juste, simple, et avec une touche artistique propre à ce pays qui respire l'angélisme, même quand les cadavres s'empilent les uns à côté des autres. Les meurtres les plus barbares nous sont présentés avec un certain style, comme cette course poursuite dans les rues napolitaines, où huit hommes sont abattus, au milieu d'une foule désordonnée et apeurée.
Le portrait de la mafia n'a rien de resplendissant, contrairement à ce qu'on a l'habitude de voir dans les films américains. Non, le portrait se veut réaliste et il rétablit, à la manière d'un Giancarlo, une certaine vérité. Pour accompagner cette étude profonde et pessimiste, l'humour prend place, afin de ne pas laisser le spectateur dans un malaise constant. Le personnage incarné par Libero De Rienzo est très attachant, quelque peu naïf, mais c'est ce qui en fait son charme. Lui et son petit carnet, lui et sa voiture verte, lui et son humanisme déterminant. Il n'y a rien à redire, l'empathie que l'on éprouve pour lui est instantanée.
Tout le monde se retrouve critiqué dans ce film, la mafia, les politiciens corrompus, et le peuple qui se contente de subir ces lois désavantageuses et injustes. Même les journalistes encaissent cette critique. Le patron de Giancarlo se mettant à parler de journaliste-employé et de journaliste-journaliste. D'abord promu pour un nouveau poste à Naples, afin d'être mis à l'écart, Giancarlo revient à Torre Anunziata, pour finir le dossier qu'il a commencé à mettre en place, et qui implique beaucoup de monde. S'il est applaudit par toute une salle d'étudiant, dans une scène très touchante, lui-même ne semble pas se rendre compte du symbole qu'il incarne : La liberté.
La situation devient de plus en plus dangereuse pour lui, mis sous pression, l'inévitable fini par arriver. Un regard en dit parfois plus que mille mots. Et le regard de Giancarlo avant de recevoir dix balles de revolver, signifie à lui seul tout le fatalisme du film. Il accepte son destin, comme résigné face à tant d'inconscience. La sensation de mélancolie pesante sur tout le long-métrage, à travers ces musiques à double nature et ce cadre napolitain très particulier, atteint son paroxysme avec ce final déprimant.
Giancarlo Siani meurt seul, abandonné de tous, lui qui est l'unique personne à représenter un espoir dans le film. L'unique journaliste à être tombé sous ses sales balles. Peut-être le seul vrai journaliste-journaliste ? ...
Fortapàsc est autant puissant et vide qu'il est beau et moche. Et pour tout cela, il se révèle comme une petite merveille perdue dans un océan sanglant.