Il y a des films qui se ressentent,
Des films qui nous font vivre des moments inoubliables,
Des films qui se vivent,
Des films qui sont les oeuvres d'une vie,
Des films qui libèrent,
« Blue », c’est une expérience invisible, une lumière jaillissante des tréfonds de la mort, un film simple, au contexte particulier, un testament, celui d’un avant-gardiste.
Une triste mélodie, un voyage, une déclaration, un intime chuchotement, un puissant cri, une ode, la beauté, la mort… « Blue », c’est l’histoire d’un dernier souffle, un dernier souffle d’une puissance colossale qui met un voile sur le visage du cinéma. Dans « Blue », on ne voit rien, sauf le reflet de notre imagination, l’imagination qui façonne l’art, comme la lecture d’un recueil de poésie. Jarman nous fait imaginer les scènes, les décors sous une musique planante et éclatée, offre sous le coup de la mort son intimité, sa façon de voir la vie.
« Blue » est un poème des plus tristes, une expérience, déroutante, sombre et belle. Un dernier chant, une photographie du ciel. Le bleu, cette couleur maudite qu’un homme a choisi pour illustrer sa vie en toute honnêteté, comme une déclaration d’amour forte et sublime, une mise en forme des traits de la mort, un clin d’œil à la peinture. « Blue » est un rêve, un rêve qui dépeint le paradis, « Blue » est un rêve à l’image monochrome, une vie immobile, une allégorie de ce que c'est d’être vivant. Avec « Blue » Jarman forme et déforme, donne à l’art du théâtre une définition des plus parfaites, un art brut, un requiem mélancolique, marquant au fer rouge, un saut dans l’imagination qui fait le vide de l’esprit sous ces notes de piano.
Un mystère, des larmes, un sommet audacieux, innovant, d’une beauté sans nom, sans forme, sans attache, sans corps, mais une âme libre. Un écrin qui abrite une émeraude, un silence confus, libre, un cri stable et patient, non dépeint de récits énigmatiques et des grâces absolues. Car finalement, pourquoi vivre, pourquoi mourir ?
Ici nous ne sommes pas dans la retenue, ni dans le convenu, et c’est pour cela que « Blue » est un orgasme émotionnel, ne prétendant pas plus que d’être ce qu’il est, un voyage hallucinant et poétique, à la poésie justement hallucinante, un film invisible sur l’invisible, une réflexion intense et cohérente, la beauté à l ‘état pur.
Finalement à la fin, on a juste envie de continuer l’aventure, de rechercher la beauté, à rechercher nos sens après que ces derniers aient implosé. Car le dernier mot n’est qu’une métaphore de la mort du narrateur.
Juste.