Après Willem Dafoe (Manderlay, Antichrist) et Bryce Dallas Howard (Manderlay aussi), Kirsten Dunst est la troisième personne issue de la trilogie Spider-Man (celle de Sam Raimi) à s'essayer au cinéma de Lars von Trier. De là à penser que le réalisateur est fan de la saga (dont il a vu les films, à en croire l'actrice), il n'y a sans doute qu'une patte d'araignée...
Le film a été présenté en compétition au Festival de Cannes en 2011.
A l'issue de la projection officielle du film à Cannes, Lars von Trier et ses acteurs se prêtent à la traditionnelle conférence de presse. Durant celle-ci, en pensant faire de l'humour, le cinéaste affirme avoir de la sympathie pour Hitler et s’enlise dans des plaisanteries autour de la question juive. Cela génère un véritable tollé sur la Croisette. On lui reproche d'avoir des propos antisémites. Von Trier est donc prié de présenter des excuses publiques, mais elles ne suffisent pas à calmer le mécontentement de l'opinion publique. Les dirigeants du Festival convoquent alors un Conseil d'Administration Extraordinaire. Ils décident de déclarer le cinéaste persona non grata. Autrement dit, le réalisateur n'est plus le bienvenu sur la Croisette et est invité à rester discret.
Melancholia a été récompensé à Cannes par le prix d'interprétation féminine, lequel revient directement à Kirsten Dunst. Cette dernière, en allant chercher le trophée, a dit au micro "Eh ben, quelle semaine !" en référence à la mini-crise déclenchée par les propos tenus par le cinéaste danois et qualifiés d'antisémites. Selon Lars von Trier, le fait que Kirsten Dunst ait connu une lourde dépression durant son existence a contribué à la richesse de son jeu d'actrice.
Le romantisme allemand a été pour Lars von Trier le point de départ du film. Le cinéaste voulait un scénario impulsé par l'atmosphère qui règne dans les orchestrations de Richard Wagner. Luchino Visconti compte également parmi ses sources d'inspiration. "Il y a toujours quelque chose chez lui pour élever le sujet au-dessus du trivial, l'élever au niveau du chef-d'oeuvre!", affirme le cinéaste danois dans une de ses envolées lyriques.
Lars von Trier a commencé à écrire Melancholia grâce à... Penélope Cruz. En effet, l'actrice espagnole et le cinéaste danois se sont échangés plusieurs lettres. Penélope Cruz souhaitait faire un film avec lui. Elle lui a conseillé de s'inspirer de la pièce française Les Bonnes, écrite par Jean Genet, où deux servantes tuent leur patronne. Dans Melancholia, ces deux bonnes se transforment en deux sœurs. Penélope Cruz n'a malheureusement pas pu se libérer de ses obligations pour participer au tournage du film. Après qu'Olga Kurylenko ait été pressentie, c'est finalement Kirsten Dunst qui la remplace.
Le personnage joué par Kirsten Dunst est atteint de mélancolie profonde. Lars von Trier explique selon lui, "elle rêve de naufrages et de mort soudaine, comme l’a écrit Tom Kristensen (ndlr: auteur danois de la première moitié du XXème siècle à ne pas confondre avec le célèbre pilote automobile des 24 heures du Mans!). Et elle va les avoir". Alors que le monde est sur le point de disparaître, la joie la reprend peu à peu. Lars von Trier précise que "dans les situations catastrophiques, les mélancoliques gardaient plus la tête sur les épaules que les gens ordinaires, en partie parce qu’ils peuvent dire : ’Qu’est-ce que je t’avais dit ?’ Mais aussi parce qu’ils n’ont rien à perdre."
Lars von Trier s'estime lui-même comme étant mélancolique. Un état qu'il décrit comme étant une valeur : "Au bout du compte, nous avons tendance à voir la mélancolie comme plus vraie. Nous préférons la musique et l’art qui contiennent une pointe de mélancolie. La mélancolie en elle-même est une valeur. Un amour malheureux et non partagé semble plus romantique qu’un amour heureux."
Lars von Trier a choisi Melancholia comme titre afin de faire refléter son état dépressif. Il a également appris que la planète de la mélancolie était Saturne et que les collisions cosmiques étaient un phénomène fréquent dans l'univers.
Lorsqu'on lui demande si le monde pourrait avoir une fin, Lars von Trier en profite pour étayer ses pensées eschatologiques et son désir d'apocalypse: "Si ça pouvait arriver en un instant, l’idée me plaît. La vie est une idée pernicieuse. La création a peut-être amusé Dieu, mais il n’a pas vraiment réfléchi aux choses. Donc si le monde s’arrêtait et que toute souffrance et tout désir disparaissaient en un clin d’oeil, je serais prêt à appuyer moi-même sur le bouton."
Lars von Trier a souhaité que l'esthétique de son film soit le résultat d'une interpénétration entre plasticité, romantisme, ostentation stylistique et réalisme cru. De ce fait la majeure partie du film a été tournée avec une caméra à l'épaule dans un somptueux château en Suède. Une sorte de grand écart artistique...
Lars von Trier reste très énigmatique par rapport à son opinion sur Melancholia une fois le film fini : "Quand je le vois, je suis content. Mais je l’ai vu tellement de fois que je n’arrive plus vraiment à le voir". Charlotte Gainsbourg, elle, aurait dit au cinéaste qu'il s'agit d'un film "bizarre". Lars von Trier précise toutefois que "la pire chose serait de dire comme Nordisk Film : Il y a de belles images". Le cinéaste affirme que ce propos l'a anéanti : "Parce que si je fais un film que Nordisk Film aime, j’arrête demain !" A noter que Nordisk Film, société de production danoise, a financé en partie le budget de Melancholia...
Homme d'une grande ambiguïté, Lars von Trier déclare que Melancholia n'est peut-être pas une œuvre réussie ni même son œuvre à lui : "J'ai travaillé sur ce film pendant deux ans. Avec grand plaisir. Mais je me suis peut-être fait des illusions. Je me suis laissé tenter. Ce n’est pas que quelqu’un ait commis une erreur… au contraire, tout le monde a travaillé loyalement et avec talent pour atteindre le but que moi seul avais défini. (...) Néanmoins, je me sens prêt à rejeter ce film comme un organe transplanté par erreur."
En sortant d'une projection de Melancholia, Thomas Vinterberg (le réalisateur de Festen et co-fondateur du Dogme 95 avec Lars von Trier) a affirmé non sans humour : "Comment faire un film après ça ?".