Le film a été en compétition au Festival Premiers Plans D’Angers 2011.
Jimmy Rivière est né du désir qu'avait le réalisateur de filmer les gens du voyage : "Je voulais filmer ma communauté mais je désirais surtout regarder le monde à partir d’elle. Je voulais retracer le parcours d’un jeune Voyageur auquel tout le monde pourrait s’identifier. Son histoire interrogerait la question de l’appartenance au groupe et la manière dont on peut s’en affranchir. Trouver sa place parmi les siens est un sujet universel et c’est ça que j’avais envie de raconter".
"(...) Le film ne dénonce ni ne revendique rien, se défend Teddy Lussi-Modeste. En revanche, je pense qu’il a une portée politique. (...) Ce qui est politique, c’est de penser qu’un Gitan peut être, en 2011, le centre d’un récit dans lequel tout le monde peut se reconnaître. Ce qui est politique, c’est d’éclairer le personnage sur autre chose que son identité de Gitan. Ce qui est politique, c’est de montrer un jeune homme tel que les médias ou le cinéma n’en ont pas imaginé de semblable, non parce qu’il serait extraordinaire, mais tout simplement faute de s’y être vraiment intéressé, faute de connaissance".
Il s'agit du premier film de Teddy Lussi-Modeste, qui fait part de ses influences de cinéaste : "Très jeune, j’ai été marqué par le cinéma américain. C’était celui qui était le plus accessible et le plus apprécié par ma mère. De grands films ont marqué mon enfance comme Rumble Fish ou Outsiders de Coppola. Ensuite, il y a eu la découverte d’autres cinématographies : italienne, française, chinoise, ou bien encore d’autres réalisateurs américains plus confidentiels comme Todd Haynes dont Velvet Goldmine a beaucoup compté pour moi. Je crois que j’ai voulu intégrer la Fémis après avoir vu ce film. Mais si je devais penser aujourd’hui aux films qui m’ont le plus touché, ça tournerait autour de l’Italie, le cinéma italien ou celui des Italo-Américains. (...) Ce que j’aime dans Le Parrain de Coppola par exemple, c’est qu’il y a cet affrontement très fort entre l’appartenance à une communauté et l’idéal d’un pays".
Teddy Lussi-Modeste se souvient du casting qu'il avait originellement imaginé pour son film : "Au départ, je voulais au centre un acteur non professionnel qui serait un Voyageur, qu’on aurait casté avec cette idée un peu romantique de créer une figure, en Pygmalion. Et autour de lui, je voulais prendre des acteurs professionnels pour les rôles du pasteur, de l’entraîneur de boxe, de la copine, etc. Le travail de direction d’acteurs aurait été de trouver un équilibre, une harmonie, au sein du casting. Or dès que j’ai vu Guillaume Gouix, j’ai su que ça allait être lui Jimmy Rivière. Trouver un Voyageur, c’était un fantasme. Là, c’était la réalité. Chez moi, ça s’organise vraiment autour du visage. Ce visage-là, c’était celui que j’attendais".
Guillaume Gouix trouve avec Jimmy Rivière son premier rôle principal, élément qui l'a enthousiasmé et motivé : "Quand j’ai lu le scénario de Jimmy Rivière, j’étais surexcité à l’idée d’en incarner le héros. C’était un rôle total sur lequel j’allais devoir investir beaucoup de temps, de travail et pour lequel je devais renoncer à d’autres films (...)". Il ajoute : "Avoir un premier rôle, c’est en effet avoir la sensation de faire partie intégrante de la création du film. Paradoxalement, on est moins centré sur sa propre personne, sa propre interprétation, parce qu’on se doit d’accueillir les autres acteurs : on les amène dans la fiction : c’est une grande responsabilité..."
Le réalisateur a choisi de s'éloigner du documentaire pour diriger une œuvre de fiction, plus en adéquation avec son choix de casting : "Le film aurait pu s’envisager sous un mode très documentaire, très à l’épaule, très axé sur les faits et gestes de Jimmy dans la communauté. Mais suivre cette pente-là m’aurait semblé artificiel, de l’ordre de la simulation, une afféterie. Du coup, choisir un acteur professionnel m’a donné envie d’aller davantage vers la fiction, le récit, le romanesque. A tous les niveaux, j’ai fait le choix de la stylisation contre le documentaire. Pour les Voyageurs qui verront le film, ce sera je crois étrangement plus facile de s’identifier à Guillaume qu’à un vrai Voyageur."
"C’est connu : je ne lis jamais aucun scénario, raconte Béatrice Dalle. (...) J’ai donc rencontré Teddy et j’ai eu envie de le suivre dans une aventure où il serait le patron. (...) En l’occurrence, Teddy qui a l’air tout timide dans la vie s’est révélé très présent sur le plateau. Et moi-même qui jouais un entraîneur de boxe thaïe, j’ai constaté qu’on me prêtait beaucoup d’autorité. Bon je n’ai jamais douté que je l’avais, cette autorité. Mais sur ce film-là, elle s’est manifestée plus fort qu’ailleurs. J’adore la boxe thaïe : mon premier mari était boxeur."
L'actrice Pamela Flores se souvient de son casting un peu particulier : "Personnellement, ça ne me disait rien de tourner. Teddy m’a coincé pour un casting en venant frapper un jour à la porte de ma caravane en me disant « Voilà, le casting, c’est maintenant ». J’ai accepté en me disant qu’il verrait bien que j’étais nulle. Au lieu de ça, il est revenu un peu plus tard avec Guillaume pour voir si nous étions crédibles à l’image en tant que frère et sœur. Je ressemble plus à Guillaume qu’à mon propre frère. Là, Teddy m’a proposé le rôle officiellement. J’hésitais mais mon mari à qui Teddy a aussi donné un plus petit rôle m’a dit « Allez, ça nous fera des souvenirs pour plus tard »."
La liberté était le mot d'ordre du tournage comme le confie Hafsia Herzi : "Lorsqu’on a commencé les répétitions avec Guillaume et Teddy, on a voulu réécrire ensemble certaines répliques. J’ai pu proposer des petites choses que Teddy a gardées ou non selon la cohérence qu’il y voyait avec son film. J’ai aimé cette façon très libre de travailler. Cette liberté, Teddy l’accorde aux acteurs comme il l’accorde à ses personnages." L'actrice a été choisie pour sa performance dans La Graine et le mulet dans lequel, aux dires du réalisateur : "(...) Hafsia Herzi (...) explose littéralement. Je me suis dit que c’était cette énergie-là que je voulais pour le personnage de Sonia."
Le réalisateur partage son intérêt pour la langue des gens du voyage, très présente dans le film : "(...) ce que je trouve très beau avec les Voyageurs, c’est qu’ils puissent avoir recours à un lexique théologique très savant à côté de mots plus triviaux ou dans une phrase grammaticalement bancale. Comme les prêches sont plus ou moins improvisés par les pasteurs à partir d’une poignée de versets qu’ils ont choisis avant le culte, il y a ce mélange que j’avais envie d’écouter, de raconter. La vitalité de la langue, la parole-action, l’enracinement à l’intérieur d’un groupe par la parole, c’est quelque chose que j’ai envie d’interroger. C’est pour cette raison qu’un des cinéastes qui me touche le plus en France aujourd’hui est Abdellatif Kechiche".
La religion Pentecôtiste est la religion principale des gens du voyage. Le réalisateur s'est penché sur ce culte : "Elle est arrivée dans les années 1950 en France et a connu dans la communauté une expansion très rapide. Les pasteurs sont eux-mêmes Voyageurs, ont un centre de formation, possèdent des terrains sur lesquels peuvent avoir lieu leur célébration et réorganisent de l’intérieur le monde des Voyageurs, leur culture, leur façon d’appréhender le monde. Ça m’intéressait de filmer ce que la religion crée indirectement, exacerbe ou contredit de l’identité des Voyageurs. Notamment autour de la question de la violence."
La musique se divisait en deux style pour Jimmy Rivière. Une volonté du cinéaste : "C’était important pour moi qu’il y ait un partage entre une musique « in » – les cantiques – et une musique « over » – la musique composée pour le film. Je tenais à ce qu’on soit le plus loin possible des violons et des guitares – surtout par goût personnel. Je cherchais une mélodie, une mélancolie, qui appartienne davantage à une culture cinéphilique qu’à une culture de Voyageurs". Teddy Lussi-Modeste précise : "je voulais qu’il trouve des passerelles entre son propre style et le film. On ne s’est pas parlé de musique ni de musiques de film. On s’est parlé de films qu’on aimait tous les deux : par exemple de certains films de Terrence Malick comme La Balade sauvage. On a davantage parlé de scénario et d’images que de musique".
"Je suis Voyageur mais je me sens très attaché à Grenoble", raconte le réalisateur. "C’est d’ailleurs là que j’ai désiré tourner Jimmy Rivière. L’attachement que j’ai à cette ville est du même type que celui que j’ai avec les Voyageurs. C’est une part de ma construction, culturelle et affective. Pourquoi ne pas regarder le monde à partir d’un endroit que l’on connaît bien plutôt que se délocaliser ?"