Le Havre a été sélectionné en Compétition Officielle lors du festival de Cannes 2011. Le film a d'ailleurs été considéré comme le deuxième meilleur de la compétition (après Il était une fois en Anatolie) selon les critiques internationales publiées sur la revue Screen. Habitué de la Croisette, le réalisateur finlandais avait décroché le Grand Prix du Jury en 2002 pour L' Homme sans passé.
Aki Kaurismäki explique que cette histoire sur la dégradation politique et sur la situation des réfugiés pourrait se passer dans n'importe quel pays européen, dont la Grèce, l'Espagne et l'Italie, pour leur situation économique très délicate. Sans savoir où tourner son film, le cinéaste a pris une voiture et a parcouru toute la côte, de Gênes aux Pays Bas, avant de décider que Le Havre correspondait le mieux à ce qu'il cherchait.
Aki Kaurismäki explique avoir choisi "l'irréalisme" pour montrer cette histoire très étroitement liée aux faits d'actualité. Il confesse ne pas avoir de réponses aux problèmes posés par Le Havre, ce qui ne l'empêche pas de vouloir représenter les conflits à sa façon, c'est-à-dire, non comme ils sont, mais comme ils pourraient être. Le réalisateur illustre son choix : "J’ai toujours préféré la version du conte où le Petit Chaperon Rouge mange le loup et non le contraire, mais dans la vraie vie, je préfère les loups aux hommes pâles de Wall Street."
Dans Le Havre, les prénoms des personnages rendent hommage à certaines personnalités de prédilection d'Aki Kaurismäki. Ainsi, dans cette fable irréaliste, la femme s'appelle Arletty, comme la célèbre actrice parisienne dans Les Enfants du paradis, Jean-Pierre Darroussin incarne le policier Monet, qui doit faire face à l'exilé Marx (comme Karl Marx, et non Groucho Marx, explique le réalisateur). Même la chienne s'appelle Laïka, en référence à celle qui avait été le premier être vivant envoyé dans l'espace.
Habitué à travailler avec un même groupe de techniciens et d'acteurs, Aki Kaurismäki a intégré pour la première fois Jean-Pierre Darroussin à son casting. A propos de ce choix, le réalisateur s'exprime avec son humour finlandais : "En fait, il a toujours été dans les parages, mais je ne l’avais pas laissé jouer, il nettoyait seulement le studio en fin de journée."
Jean-Pierre Darroussin, à son tour, n'épargne pas les éloges au réalisateur finlandais : "Aki Kaurismäki est le contraire d'un homme politique, avec deux ou trois bricoles il te fait un monde, ce qui est exactement le contraire des gens à qui on donne un monde et qui n'en font que deux ou trois bricoles."
La présence de l'actrice Kati Outinen est devenue une tradition dans le cinéma d'Aki Kaurismäki. La comédienne a déjà collaboré avec lui dans Hamlet Goes Business (1987), Shadows in Paradise (1987), La Fille aux allumettes (1990), Tiens ton Foulard, Tatiana (1993), Au loin s'en vont les nuages (1995), Juha (1998), l'épisode "Dogs Have no Hell" dans Ten Minutes Older - The Trumpet (2001), L' Homme sans passé (2001), Les Lumières du faubourg (2005) et Le Havre (2011).
Aki Kaurismäki a toujours eu une manière très particulière de diriger ses acteurs. A Kati Outinen, il demandait souvent de "ne pas jouer", en d'autres mots, d’atténuer ses expressions pour acquérir une image raide et autoritaire. André Wilms, autre collaborateur régulier du réalisateur finlandais, décrit sa technique comme une "grimace de la pudeur" : "Chez Kaurismäki, on ne murmure pas, on dit haut et fort ce qu'on pense."
Le deuxième semestre de 2011 a été marqué par deux films ayant la ville normande comme décor : en plus de la production franco-allemande-finlandaise Le Havre d'Aki Kaurismäki, la comédie burlesque La Fée du trio belge-canadien Dominique Abel, Fiona Gordon et Bruno Romy se déroulait également dans les rues et les ports de cette ville. Les deux films étaient sélectionnés au festival de Cannes 2011, le premier en compétition officielle, et le second en ouverture de la Quinzaine des Réalisateurs.
Malgré l'actualité de cette histoire, Le Havre est très attaché à l'imaginaire des années 1950 à 1970. Le réalisateur explique ce choix par sa "lenteur" avouée, et par le fait que l'architecture moderne lui fait "mal aux yeux". De la France de l'après Seconde Guerre mondiale viennent aussi la plupart des références d'Aki Kaurismäki, dont Robert Bresson, Jean-Pierre Melville, Jacques Tati, René Clair et surtout Marcel Carné. Le réalisateur se félicite : "Heureusement, hier est toujours là".
Le chanteur Little Bob, également acteur dans le film, est très apprécié par Aki Kaurismäki, qui le considère comme "l’Elvis de ce royaume", en l'occurrence, Le Havre, au moins "tant que Johnny Hallyday reste à Paris".
Avec un titre comme celui-ci, Aki Kaurismäki ne pouvait pas s'empêcher d'organiser des avant-premières au Havre, afin d'avoir les avis des habitants locaux. Après ses blagues habituelles au début de la présentation ("C’est dommage pour vous, le film est très mauvais"), il n'a pas arrêté de vanter les qualités de la ville, en évoquant sa belle lumière blanche et son architecture : "Je pense que Le Havre devrait être la capitale de l’Europe ! Cette ville est riche de son décor et de ses gens", a-t-il affirmé.
Aki Kaurismäki est un amateur d'alcools forts. Pendant le tournage du Havre, une règle s'est créée : tous les cent plans tournés, les membres de l'équipe avaient droit à un verre de Calvados !
Le Havre est le premier film d'Aki Kaurismäki en langue française, mais son deuxième tourné en France, après La Vie de bohême (1991).
Le Havre est le candidat officiel de la Finlande à l'Oscar du meilleur film étranger en 2012.