"Petits meurtres à l'Anglaise" est une resucée du film de Pierre Salvadori "Cible émouvante". Pourtant, nul doute qu’il connaisse une plus grande audience que son modèle car, lorsqu’il s’agit d’humour, et surtout d’humour anglais, nos voisins grands bretons sont imbattables. Jonathan Lynn dynamise le scénario original, l’arrose de sauce à l’absurde style Monthy Python, l’assaisonne au piment Blake Edwards sans donner à son héros la maladresse de Peter Sellers, le truffe de contre-emplois dans "l’Emmerdeur" de Molinaro. Ajoutant à cela un montage des plus nerveux, séquences courtes et souvent choc, accumulant les gags et les quiproquos, les gaffes de l’un réparées par la malchance de l’autre, alignant les jeux de mots et les dialogues tranchants comme des rasoirs, le réalisateur propose à son public hilare un des meilleurs films comiques qui nous soit donné à voir depuis des mois. Rafraîchissant pour un été ! On goûtera, selon ses humeurs, une cocasse course-poursuite endiablée dans les rues de la City, la cache du trio traqué dans un palace londonien, à deux chambres du commanditaire de leurs poursuivants !, l’épisode de Tony dans la salle de bains ou les apparitions de la mère de Victor, évoquant, selon les moments, Norman Bates de Psychose ou Ma Dalton ! On savourera tout autant le sadisme suave d’Hector Dixon (Martin Freeman) qui n’est pas sans rappeler l’Alex d’Orange Mécanique.
S’il faut adresser des louanges au réalisateur, il ne faut pas pour autant oublier les acteurs qui, des seconds couteaux aux têtes d’affiche, donnent le meilleur d’eux-mêmes dans la parodie. Rupert Grint, par désarmante naïveté, son efficace inadaptation et sa maladresse payante, donne corps à un parfait Tony. Bill Nigh, avec son visage impassible tendant vers un stoïcisme zen incarne impeccablement le technicien de "l’ad-patres", mieux qu’un 007 ! D’abord dérouté par une méprise puis offusqué par l’insulte faite à son honneur de pro de la gâchette, on veut le doubler, inadmissible !, enfin craquant envers cette fillette qui lui rappelle qu’à l’âge où d’autres prennent une retraite pas toujours méritée, lui est encore sans héritier. Ce jeu d’état d’âme est excellent. Bravo l’artiste ! Enfin, le meilleur pour la fin. La pièce montée ! Yeux bleus sur un visage d’ange à la moue assassine, exubérante quand il le faut, pétillante de bonne humeur, Emily Blunt est le bouquet du film. Elle incarne une Rose des plus réalistes. Ravissante fripouille, voleuse craquante, délicieuse escroc, insatiable dans son déduit, excessive jusque dans la boisson, son sourire ravageur fait tourner en bourrique jusqu’à son tueur.
Pourquoi donc attendre plus longtemps avant de se gaver de cette petite gourmandise estivale au comique de bon aloi sans cesse renouvelé ?
Michel Tellier