Sachant pertinemment que son film s'inscrit dans un thème d'actualité - la difficulté de vivre au temps de la "crise" - dont les conséquences sont autant de traumatismes pas vraiment digérés par l'(in)conscient collectif, le réalisateur Georges Ruquet ne se démonte pas quand on lui demande son avis sur une tendance de production qui suit le chemin inverse, vers des "comédies sucrées". Il explique ainsi son choix : "Les ‘cinéchiffres’ le montrent, on ne peut remonter le "moral des français (...) à coup de comédie sucrées dans lesquelles les personnages ont des problèmes de cœurs (...)." Et d'affirmer ses convictions : "Il faut faire face, ne pas nier l'évidence : nous sommes déjà des enfants de la crise."
De ce postulat initial, il y avait un risque - perdre en cours de route des spectateurs trop médusés - que le réalisateur a cherché à contourner en y ajoutant ce plus de comédie, parti pris qu'il entend utiliser à bon escient: "Le réel de "Blind test" est un rien grossi, un rien décalé, juste de quoi exploiter les ressorts de la comédie jusqu'au délire et décrire la tragédie moderne de l'individualisme avec le sourire en coin d'une petite revanche."
Là où le réalisme s'affirme le plus, c'est dans le choix de Georges Ruquet à exposer de front les convictions de Bertrand, désireux d'échapper au naufrage d'une société auquel il a pourtant contribué. Dans l'adhésion à ce postulat paradoxal, le casting doit jouer un double contraste. Les personnages de "comédie", Bertrand et Vinko, sont interprétés par des acteurs issus de la comédie dramatique (Johan Libéreau et Manuel Blanc) alors que pour le rôle, plus tragique, de Joyce, le réalisateur choisit là une interprète adepte du registre de la comédie (Sarah Biasani).
Ce sont l'humour, la dérision et la cruauté du "détail qui tue" (dont les personnages sont les seules victimes), que le réalisateur brandit comme ses armes. Pour se souvenir "qu'il vaut mieux en rire". Il précise d'ailleurs : "Je n'ai donc renoncé à aucun excès pour écrire "Blind test" en poussant les situations le plus loin possible, en gardant pourtant une moralité sauve sur le mode de "tel est pris qui croyait prendre"."
Dans sa volonté d'inscrire son film autour du vraisemblable plutôt que de la parodie, le réalisateur cherche à donner aux scènes de comédies une introduction des plus crédibles possibles. Ce qui doit offrir alors le "renfort de contraste" cherché. "Il ne s'agit pas de faire des gags pour forcer le rire au risque de voir la tentative tomber à plat, mais de montrer que les situations douloureuses de la vie peuvent avoir leur côté cocasse et qu'il est bon de s'en rappeler."
Le réalisateur conclut par cette phrase, un nouveau paradoxe comme gage de son argumentaire: "Malgré son contexte, son déroulement calamiteux et ses personnages détestables, Blind test est un éclat d'euphorie dans un ‘ monde Pompes funèbres’. Vous pouvez également relire cette dernière phrase en remplaçant "malgré", par "grâce à"! Bon test..