Bad Boys for Life fait mieux qu’offrir une banale suite aux deux précédents volets réalisés par Michael Bay, il pense son geste artistique comme le prolongement et la résurrection d’une forme de cinéma d’action série B chère aux années 90 tout en la mettant à l’épreuve des valeurs contemporaines. Action décomplexée, couleurs chatoyantes, dialogues percutants et duo d’acteurs attachant. Vingt-cinq ans séparent ce film du premier Bad Boys, et le temps constitue à la fois un compagnon de route pour les deux flics puisque leur complicité, expression de leur amitié à toute épreuve, s’en trouve renforcée, mais également un adversaire qu’il faut affronter pour prouver à l’année 2020 que les « mauvais garçons » d’hier restent toujours d’actualité.
Aussi le long métrage a-t-il l’intelligence de ne pas négliger ce passage du temps mais d’en faire un moteur essentiel à l’intrigue : le personnage de Mike ne cesse d’être désigné comme un revenant après à son accident – une fusillade dans la rue –, accident qui a conduit son cœur à s’arrêter plusieurs fois, accident qui fait prendre conscience aux héros d’autrefois qu’ils sont vieillissants et que leur bravoure engage leurs proches, met en danger la vie de ceux qu’ils aiment. Ce vieillissement du héros est certes porteur d’un comique savoureux – les lunettes de Marcus, la portière cabossée, les leçons de méditation et de sagesse, la foi religieuse – mais il dit aussi quelque chose de la condition de ce type d’héroïsme issu des années 90 aujourd’hui contraint de tirer sa révérence pour céder sa place aux prouesses technologiques, ici incarnées par le drone. Le film d’Adil El Arbi et de Bilall Fallah confronte deux manières de lutter contre le crime : l’une est axée sur l’intervention physique, exposant la vie des policiers ; l’autre repose davantage sur la virtualisation des modalités de combat. Et derrière cette ligne de partage s’affrontent deux générations, l’ancienne et la nouvelle, autour de valeurs que le long métrage oppose avant de rassembler au sein d’une même famille.
Voilà ce qu’est Bad Boys for Life : une mise à l’épreuve de l’unité familiale et sa refonte en une famille plus large, intégrant les nouveaux venus. Pour ce faire, le film insère ses deux personnages principaux dans des relations de filiation tantôt choisies tantôt subies, mais qui ont pour facteur commun de raccorder le héros à l’exemplarité qu’il doit aux autres, aux modèles qu’il veut transmettre à la société de demain. Les réticences et hésitations formulées par Marcus à l’égard de la vengeance ne sont pas décoratives ou simplement dramatiques, elles disent quelque chose du dilemme qui travaille au corps le héros contemporain et l’empêche de répéter les erreurs de jeunesse.
C’est pourquoi ce troisième volet constitue, sur le plan de la résurrection de la saga, une réussite : tout en ramenant d’outre-tombe des personnages d’autrefois, il leur construit une postérité véritable. Mike et Marcus ne sont plus les séducteurs d’hier ; désormais ils doivent lutter contre la tentation de la violence personnelle et destructrice, tentation symbolisée par ces mains ennemies propulsées hors d’un plancher en feu pour emporter avec elles la bonté et l’honneur, scène très forte rejouant un cliché du cinéma d’horreur. Ne pas devenir un vengeur, rester un héros. Construire une famille. La chanson culte devient elle-même une berceuse apte à consoler le nouveau-né. « Bad boys, bad boys… ». Un spectacle efficace et drôle, que desservent une mise en scène prétentieuse et un incessant saut de puce narratif entre Mexique et Floride des plus artificiels.