Cette adaptation de ce qui est en fait le mélange de deux ouvrages de Verne, avec une part d’imagination du scénariste, et qui dure plus de 2 heures, est peut-être un des premiers à innover quant aux prises de vues sous-marines, mais force est de constater que l’ensemble n’est pas savoureux.
J’ai l’impression que dès qu’on parle de film muet, de films pionniers du cinéma, il y a une interdiction d’en dire du mal, et pourtant, tout n’était pas chef-d’œuvre à l’époque non plus, et pas plus qu’aujourd’hui la seule innovation technique ne peut justifier la réussite d’un film.
Ici, la nouveauté ce sont les prises de vue sous-marines. Elles sont finalement peu nombreuses dans le film, mais il faut reconnaitre que ça devait être marquant à l’époque, même si c’est parfois très peu lisible. On peut voir ainsi des coraux, des requins, et des hommes déambulés en scaphandre. C’est très démonstratif, c’est-à-dire qu’il ne se passe rien de particulier sous l’eau, mais bon, c’était une prouesse technologique certaine.
Le souci c’est que le réalisateur n’avait visiblement pas grand-chose d’autre à offrir. L’histoire est terrible. Ça dure 2 heures, la narration est catastrophique passait la première demi-heure. Celle-ci est en effet bien fidèle à Verne, et se laisse suivre sans déplaisir, mais alors ensuite on voit les personnages passés alternativement de l’île au Nautilus, une fille sauvage, et dès que le film fait intervenir Charles Denver là c’est le craquage. L’histoire s’enlise, elle n’avance plus, le réalisateur n’a plus d’idée, et le film devient ennuyeux. Nemo semble retiré en arrière-plan, l’exploration sous-marine passe au second plan, et ce qui devait être un long métrage ressemble furieusement à une succession d’historiettes, jusqu’à la dernière, ajoutée par le réalisateur, qui consiste à raconter la vie de Nemo. On à l’impression d’une adaptation au quart du livre de Verne, avec l’absence de moments forts d’ailleurs, et le réalisateur semble avoir compensé en rajoutant des morceaux de sa composition et d’autres issus de L’Ile mystérieuse. Le gloubi-boulga qui en résulte ne m’a pas convaincu, malheureusement.
Visuellement, hormis les séquences sous-marines, cette adaptation reste assez moyenne. Je ne vais pas me prononcer outre mesure, car on est tout de même qu’en 1916, donc le manque de précision de l’image ne surprendra pas. Dans l’ensemble ce n’est pas mauvais, mais la mise en scène n’a pas de relief du tout, avec souvent des plans beaucoup trop rapprochés. Du coup on profite peu des éventuels décors, pas si vilain, et on n’a pas l’ampleur qui sied au cinéma d’aventure. Pour le coup il y a des courts à la même époque, notamment chez les frères Lumière, qui par les angles de prise de vue étaient plus marquant.
Quant aux acteurs c’est très variable. Aucun ne m’a réellement marqué, mais je salue cette idée de faire de Nemo un personnage oriental (même si joué par Allen Hollubar). Même si le maquillage est assez grossier ici, c’était, me semble-t-il, un des aspects du livre qui pouvait laisser sous-entendre que Nemo n’était pas occidental. Après, on ne peut pas dire que l’interprétation retienne bien l’attention. Le film propose beaucoup trop de personnages, du coup ils n’ont pas une présence à l’écran très significative, et les rôles restent assez peu dégrossis. Dans un muet de ce genre les acteurs ont surtout à assurer une présence en fait. Il y a un poil de surjeu chez Jane Gail, mais les autres restent sobres et tiennent leurs personnages sans surnager.
En conclusion, 20000 lieues sous les mers, version 1916, est une curiosité, mais qui manque de saveur. La narration est très chaotique, pour ne pas dire bordélique, l’interprétation n’a pas de relief particulier, et la réalisation a visiblement tout miser sur sa singularité technologique, car le réalisateur ne force pas du tout son talent (s’il en a !). 1.5