Certains romans d’espionnage de John Le Carré sont de véritables chefs-d’œuvre. Certains n’en sont pas. C’est le cas de ce « Tinker, Tailor, Soldier, Spy », qui, sans être une œuvre majeure du maître, n’était pas inintéressant et méritait une adaptation plus intelligente que celle de Tomas Alfredson. La précédente adaptation par John Irvin, en 1979, pour la télévision britannique, valait bien plus le détour. Déjà du simple point de vue des acteurs. Guiness se montrait beaucoup plus subtil et beaucoup moins atone que Goldman. Ensuite, d’un point de vue de la forme, le reproche évident que l’on peut faire à Alfredson est d’avoir voulu resté trop près de la structure narrative du roman, sans que ce respect ne s’accompagne d’un plus grand souci de la dynamique des scènes, et du rythme des transitions. Du coup, on a du mal à suivre, et surtout, on s’ennuie très souvent. Enfin, d’un point de vue du fond, on peut déplorer qu’Alfredson ne parvienne pas à circonscrire intelligemment une sélection d’éléments essentiels parmi tous les détails dont foisonne le roman. L’adaptation de la BBC, elle, parvenait à intégrer dans l’intrigue des éléments tels que le côté nostalgique et miteux de la vie des espions, expliquant leurs véléités carriéristes, et leurs trahisons. Toujours du point de vue du fond, on ne peut pardonner à Alfredson, sa naïveté de « prendre pour argent comptant » ce que dit son personnage. Lorsque la taupe avoue enfin sa trahison, il la dit sincère et idéologique. Ce qui semble tomber de nulle part dans ce film. La série parvenait à faire comprendre au spectateur la distance à prendre avec ce propos. En effet, Le Carré présentait ce type de défection volontaire d’agent de haut rang comme autant de cas où l’individu vivant en vase clos, dans une guerre secrète faite d’écoutes et d’enquêtes permanentes, d’informations dérobées, perd pied avec la réalité vécue par le citoyen ordinaire. La taupe œuvre pour l’ennemie soviétique, car il se dit: « déçu par la société occidentale ». Or, Le Carré démontait l’aspect illusoire de ce point de vue, en montrant que l’agent avait tout simplement "oublié" la brutalité et l’oppression que vivent au quotidien les victimes du communisme. De plus il parvenait à montrer aussi l’aspect pitoyable et hypocrite de cet aveuglement poussant le traître à préférer croire qu’il agit par conviction idéologique plutôt que de s’avouer qu’il se laisse manipuler par l’adversaire. Les amateurs de bon films de taupes devraient (re)voir « l’Affaire Farewell », ou le must : « Topaz », par Hitchcock, dont nous recommandons de lire nos critiques sur ce site.