La Tapue : pas top... Le jeu de mot est facile mais représente bien mon impression générale après avoir vu cette première adaptation au cinéma de John Le Carré. Je m’attendais effectivement à mieux de la part de Thomas Alfredson, réalisateur suédois de l’excellent « Morse » (grand prix remarqué du festival du film fantastique de Gérardmer en 2009), qui réinventait le mythe du vampire avec énormément d’originalité et de singularité.
« La Taupe » raconte une histoire plus classique (mais beaucoup plus complexe) d’espionnage sur fond de guerre froide. Malgré une reconstitution saisissante de réalisme et des plans d’une grande inventivité, les méandres de cette enquête interne sont tellement difficiles à suivre qu’on en finit par se désintéresser totalement de son enjeu : qui est le fameux traître parmi « Tinker, Tailor, Soldier, Spy », titre à rallonge original du film qui fait référence aux grands pontes de l’organisation, « le cirque », sur lesquels se portent les soupçons ?
On a en effet plutôt intérêt à rester attentif si on veut un tant soit peu comprendre ce qui se passe. D’après ce que j’ai saisi, suite à une mission ratée à Budapest, le patron des services secrets de sa majesté se retrouve sur la touche, tout comme l’un de ses fidèles, George Smiley (Oldman). Ce dernier est néanmoins immédiatement engagé secrètement par le gouvernement qui a des raisons de croire qu’il est infiltré par un agent double à la solde des soviets. Aidé par un jeune agent (le Sherlock de la série BBC), Smiley va s’atteler à la difficile tâche de débusquer cette taupe.
C’est ensuite que ça se complique. Difficile de comprendre qui est qui, qui a fait quoi, qui est dans quel camp. Des flash-backs récurrents censés nous apporter des éléments de réponse ne sont parvenus qu’à m’embrouiller. Que ce soit quand ils mettent en scène Jim Prudeaux (Mark Strong), agent trahi au début du film, ou bien Ricki Tarr (impeccable Tom Hardy), un agent disparu quant à lui soupçonné de trahison, qui s’est enamouré d’une fille de l’est détenant des informations cruciales sur la fameuse taupe. On comprend aussi, que Colin Firth couche avec la femme de Gary Oldman, à qui on ne la fait pas mais qui a l’air de complètement s’en foutre.
Bref, un film d’espionnage aux antipodes d’un Jason Bourne ou d’un James Bond, sans doute bien plus réaliste mais trop clinique, froid et alambiqué pour emporter l’adhésion. C’est d’autant plus regrettable que Thomas Alfredson fait preuve d’une véritable maîtrise formelle et réunit un bon casting mené par un Gary Oldman efficace à contre-emploi, étonnant de sobriété en vieux barbouze fatigué et taiseux. Je le préfère quand même pour ma part dans ses rôles de méchants psychopathes.
L’ambiance propre aux seventies (tons gris, papiers peints dégueu, cheveux longs et pattes d’eph, etc.) a beau être particulièrement bien travaillée, le rythme de l’ensemble est bien trop poussif et l’intrigue trop complexe pour susciter l’intérêt. Et dire que la bande-annonce promettait un film haletant et à suspense ! En réalité on s’ennuie ferme et on a surtout l’impression que le film ne s’achèvera jamais, si bien qu’on n’a finalement pas grand chose à faire de découvrir qui est cette taupe dont on parle dès le départ, bien que son identité soit révélée dans un plan qui joue très subtilement avec le cadre…
Reste quand même, et heureusement, une très jolie scène finale de règlement de compte, avec en fond musical une reprise de « La Mer » de Trenet.