Totalement disparu des écrans radar avant d'être exhumé par TCM, c'est avec un certain plaisir que j'ai découvert « Un pacte avec le diable », mélange assez rare de Film noir et de fantastique, jouant habilement sur la dualité entre ces deux genres a priori antinomiques. Après des premières minutes pouvant légèrement prêter à confusion, John Farrow déroule avec talent ce récit plutôt classique sur le fond (une âme innocente à corrompre pour le Malin), mais rendu séduisant par la qualité des personnages et une description du milieu politique souvent juste, évitant soigneusement la caricature pour aborder avec intelligence la délicate question du compromis et à partir d'où celle-ci se transforme en corruption. Difficile de prétendre que l'on agirait différemment de notre héros tant les diverses tentations mises sur sa route ont de quoi faire céder le plus intègre des hommes, quitte à trouver cela parfois un peu attendu dans les obstacles proposés. Dommage que ce rythme presque lent, notamment à la moitié, ait tendance à nous éloigner de ces belles qualités, accentuées par un fort beau noir et blanc et un casting idéal, de Thomas Mitchell en politicien intègre attiré par le succès en passant par Audrey Totter en « femme fatale » finalement assez complexe et surtout Ray Milland, très classe en vrai-faux Méphisto charismatique et assez macho sur les bords... Pourquoi a t-il alors fallu que la religion et la morale, déjà lourdement présente tout au long de l'œuvre, deviennent écrasantes
lors du dénouement, bâclé, venant grandement réduire la portée, la noirceur développée jusque-là, comme si la Paramount s'était emparée à la dernière minute du scénario pour empêcher le Mal de triompher...
De quoi terminer sur une note amère un titre qui, sans être parfait, faisait preuve d'une certaine audace et d'un réel talent pour offrir une approche différente d'un thème connu de tous : vraie curiosité, donc, à défaut de convaincre totalement.