Un bon vieux classique SF devenu, depuis, une référence de la culture populaire. Sorti en 1956, "L’invasion des profanateurs de sépultures" a l’intelligence de ne pas se perdre dans des effets spéciaux perfectibles (et qui paraîtraient aujourd’hui bien dépassés) et de privilégier, au contraire, la tension psychologique en en montrant le moins possible. Car, le film ne s’intéresse pas tant à l’entité extra-terrestre qui envahit la Terre mais bien à la psychose paranoïaque qu’engendre une telle invasion silencieuse. En faisant de son voisin ou d’un proche en monstre potentiel, le réalisateur Don Siegel brouille les frontières habituelles qui veulent que le danger vienne de l’extérieur et transcende, ainsi, l’habituelle "peur de l’autre" en une plus inhabituelle "peur des siens". Il faut dire que le monde est, alors plongé en pleine Guerre froide et que la peur du communiste est tout particulièrement palpable aux USA… peut sur laquelle le film surfe allègrement avec un certain talent (mais, aussi, un léger manichéisme). Et le portrait qu’il dresse des "clones" (pas forcément agressifs mais privés d’affect, d’émotion, de pensée propres… et très désireux de vous embrigader dans leur bande) est tout simplement glaçant… ce qui fait un peu sourire aujourd’hui quand on connaît les motivations anti-communistes de l’intrigue. Et, mine de rien, sans effusion de sang ou d’explosion spectaculaire, le film traite d’un sujet terrible et va assez loin dans la noirceur de son propos puisque
le remplacement des humains par l’entité alien est irréversible
.
On nous montre, ainsi, les proches du héros mais, également, un enfant, transformés en extra-terrestre sans espoir de retour en arrière, ce qui n’est pas si commun sur grand écran, surtout à cette époque
. La transformation en elle-même est traitée avec beaucoup de réserve et de simplicité (pas de mutation ou de monstres gluants)… ce qui renforce le caractère anxiogène de l’invasion, qui devient crédible en palçant le spectateur dans un environnement connu
(voir les premières apparitions de corps en création).
Don Siegel nous réserve, par ailleurs, quelques séquences monstrueusement évocatrices
(la poursuite des héros par une foule immense de "possédés" ou encore la terrible scène où il s’arrêtent tous d’un coup pour regarder en direction des héros reclus dans un appartement)
dont l’impact est renforcé par le récit en forme de flash-back, qui, loin de désamorcer la tension, vient ancrer le récit dans une certaine réalité.
Le final est, à ce titre, une petite merveille de cliffhanger qui n’appelle pas forcément de suite mais qui laisse le champ libre à toutes les suppositions quant aux événements à venir
. Enfin l’idée de situer le remplacement des humains par leur clone alien
pendant leur sommeil
achève le processus d’identification et permet, par ailleurs, de rythmer le film,
les héros luttant pour ne pas s’endormir et, ainsi, être la proie des envahisseurs
. Quant au casting, il ne compte pas de stars mais permet de découvrir quelques acteurs méconnus (et talentueux) d’où ressort le héros Kevin McCarthy (un nom pareil pour un film évoquant la peur du communisme, ça ne s’invente pas). Un reproche, néanmoins : les dérives romantico-gnangnan de l’intrigue qui, certes, est également, une histoire d’amour qui auraient gagner à se montrer un peu plus profonde. Pour le reste, "L’invasion des profanateurs de sépultures" est un véritable classique à redécouvrir pour les amateurs du genre.