La carrure iconique, la dégaine reconnaissable, le charisme aveuglant, voilà le Dude, un être de lumière aussi aimable qu'aimé, inénarrable junkie qui passe ses journées au bowling avec ses amis à boire des white russians et vivoter dans son modeste palace, le Dude est cool et le Dude est heureux, et rien, jamais rien n'entâchera cette grâce.
J'ai un rapport très personnel avec The Big Lebowski. Je l'ai découvert le soir de mes 17 ans au terme d'une journée d'anniversaire peu glorieuse, ponctuée par une journée de cours ennuyeuse au possible et une amère mélancolie quant à une certaine solitude un brin pesante. Rentré le soir dans mon humble demeure sans le moindre signe de vie de ma chère et tendre môman qui travaillait ce jour-là, je me fis à manger à l'arrache de la bouffe chinoise et je décidais enfin de franchir le pas concernant The Big Lebowski, un film qui me faisait de l'œil depuis un moment mais dont jamais l'occasion de le voir ne s'eut présentée.
À la fin du film, après avoir passé un excellent moment devant une comédie originale et désopilante, je me suis posé et j'ai réfléchi sur ma soirée d'anniversaire. Je l'ai passé avec pour seule compagnie un film qui m'a fait passer un bon moment, et je me suis dit que c'est tout ce que je voulais d'une soirée d'anniversaire : être heureux d'avoir bien mangé et d'avoir regardé un bon film. Et le plus glorieux c'est que c'est exactement le message passé par The Big Lebowski : avoir des rites simples qui nous font aimer les petits plaisirs de la vie, puissent-ils être une partie de bowling entre potes après une bonne taffe ou un bon moment devant un bon film le soir.
Désormais chaque jour je me lève avec la seule envie de me faire un bon film le soir, passer un bon moment seul ou à plusieurs, en bref faire ce qui me rend heureux, et ne pas dériver de cet objectif. Car c'est l'erreur qu'a commis le Dude : sortir de son heureuse routine à cause d'un quiproquo et avoir entâché sa routine à cause d'une histoire d'argent. Le film semble ne pas donner d'importance à cette intrigue et à se concentrer sur les moments de détente au bowling où le seul problème est la naïve rivalité avec le prétentieux Jesus. Toute cette histoire finira par aller dans le mur car la situation reste exactement la même à la fin du film, retournant à ses habitudes et renouer avec ce qui fait de lui le Dude, le seul et unique. Le prix à payer, c'est Donny, pauvre martyr, éternelle risée de Walter mais attachant dans sa naïveté. Finalement rien n'a d'importance hors de la salle de bowling et la vie vaut la peine d'être vécue pour ces moments de douce gloire et de bonheur continu.
"Strikes and gutters, ups and downs", ainsi va la vie. Jusque dans sa métaphore le Dude vit sa vie comme une partie de bowling, son terrain de jeu dont il est maître et dont il a sa place. Pas dans les histoires d'argent, d'amour ou quelconque péripétie qui entâche son tempérament. "The Dude abides", on ne changera pas le Dude, et tant mieux. On ne veut pas le voir changer car il est heureux et embrasse sa condition de joueur de bowling junkie. Je suis heureux d'avoir pu partager sa vie pendant deux heures, et quelque part on a tous envie d'atteindre cette félicité un jour dans nos vies.