Ce très riche film, qui fait partie des très grandes comédies Italiennes, utilise le canevas d’une enquête policière pour jouer sur plusieurs tableaux : c’est une cinglante dénonciation du développement libéral et anarchique de l’Italie des années 1960 et 1970, où règnent la loi du plus fort, les connivences entre pouvoirs politique et économique, les malversations, la corruption. Où la « réussite » ne s’encombre pas de l’intérêt de la population ou de ses méfaits écologiques. C’est aussi, surtout dans sa première partie, une formidable comédie, pleine de bons mots et de personnages aussi étonnants que savoureux ; la mise en scène est extrêmement enlevée, faisant s’entrecroiser courtes scènes, flashbacks et voie off pour créer de puissants effets comiques. Tout au long du film, Dino Risi manie très habilement le faux et le vrai, mêlant images d’un passé parfois réel, parfois inventé, images de la réalité, mais aussi de la façon dont un personnage imagine la réalité. La seconde partie du film est plus concentrée sur la confrontation entre l’industriel (Vittorio Gassmann) et le juge (Ugo Tognazzi), et comme souvent chez Risi ou dans la comédie Italienne de cette époque, le rire commence à se faire jaune…. Le spectateur choisit rapidement son camp dans cet affrontement entre les deux personnages principaux, tant l’un apparaît odieux et l’autre guidé par sa conscience et son sens du devoir. Mais la force de Risi est de s’éloigner petit à petit du manichéisme, et de distiller un questionnement, voire un doute, dans les convictions du spectateur, pour terminer par une grande question morale.