(...) Plus connu de nos jours pour les films qui suivront directement celui-là ("Un tramway nommé désir", "Viva Zapata", "Sur les quais" ou encore "A l'Est d'Eden") ou bien tout simplement pour avoir été l'un des rares réalisateurs à dénoncer ses petits camarades communistes durant le maccarthysme, Kazan se distinguait formellement avec ce film tourné dans des décors naturels à la Nouvelle-Orléans, dans un cadre réaliste, avec une histoire resserrée qui convenait bien à cet homme de théâtre et faisant largement appel à son sens de la débrouille. Comme le confiera le cinéaste, il fera un peu abstraction du scénario lors du tournage, le fait de tourner loin des studios lui donnant une certaine liberté pour emballer cette série B, et il n'hésitera jamais à modifier les scènes prévues en fonction des endroits qu'il dénichait, trouvant parfois ses acteurs sur le tas (comme le capitaine du bateau sur lequel se rend Reed au milieu du film, ouvrier de rue dans le civil). D'ailleurs, on retrouve au casting un certain nombre de gueules et de mecs aux visages patibulaires, marqués et expressifs. Un avant-goût du cinéma de la Nouvelle Vague qui arrivera plus tard en France et qui reviendra inspirer les cinéastes américains des années 60 qui eux-mêmes libéreront la créativité des futurs piliers du Nouvel Hollywood. Et parmi toutes ces gueules, on retrouve une des plus fameuses du cinéma qui signe là ses débuts sur grand écran : Jack Palance Ses yeux plissés, son visage émacié, son rictus inquiétant, Palance inspirait la peur et un éclairage expressionniste mettait en valeur ses atouts, l'acteur se révélant plutôt bon dans le film, un rôle taillé sur-mesure pour son talent, lui qui n'hésite pas à balancer les mourants dans le vide, abattre quiconque s'oppose à lui ou bien de se battre comme un chiffonnier jusqu'à son dernier souffle. Indéniablement, la révélation du film. Ce qui m'a beaucoup plu dans le film, c'est aussi le fait d'avoir su développer une vraie relation entre les deux enquêteurs, lancés à la poursuite du virus. Il y a dans ce duo une dynamique et une façon de faire que je n'arrive plus à retrouver dans le cinéma moderne. Certains y ont vu les prémices du buddy movie et d'un certain côté, ils ont raison. Toutefois, je nuancerai ce genre de considération car si le personnage de Reed est bien développé (j'y reviendrai), celui du capitaine Warren (incarné par Paul Douglas) reste dans l'ombre. On ne verra ainsi jamais sa vie de famille, on ne le verra jamais en dehors du contexte de son travail contrairement aux autres grands films du genre comme "48 heures" ou "L'arme fatale" qui développait chacun des deux protagonistes (ou antagonistes au vu de leurs caractères). Toutefois, son caractère sera bien développé mais via ce qu'en dise les autres plutôt que par ce qu'il dit. (...) Par ailleurs, le film est techniquement une petite merveille avec par exemple ce travelling arrière fabuleux qui accompagne le meurtre du clandestin, partant en plan large avec l'homme qui se rapproche, puis ses poursuivants avant d'effectuer un petit panoramique et d'accompagner l'action et le drame qui se noue. Un plan très long, bluffant et qui nous place d'entrée de jeu au cœur de l'action. Le reste sera à l'avenant avec beaucoup de plans longs, un découpage bien rythmé et une tension qui ne retombe jamais complètement. Dans son traitement de la pandémie, le film est vraiment très bien fait et exploite à merveille son décor urbain. On est tenu en haleine jusqu'au final et l'atmosphère reste assez oppressante. La critique complète ici