(...) Peut-on apprécier un film sans en comprendre le scénario ? Peut-on se perdre dans les méandres d’une œuvre labyrinthique, de son plein gré, et en ressortir soufflé par une expérience cinématographique hors normes ? La réponse ne sera pas la même pour tout le monde. Mais, pour ceux qui sont prêts à tenter l’aventure, bienvenue dans le monde tentaculaire de David Lynch.
(...) On ne peut qu'apprécier la façon dont les deux histoires se croisent, se télescopent, s’interpénètrent, et de leur temporalité éclatée. Le film se termine ainsi au moment exact où il débute, sur le palier de Fred Madison. La structure du film peut être assimilée à un ruban de Möbius, cet anneau qui n’a ni début ni fin. Lynch lui-même se plaît à entretenir le mystère, se gardant bien de donner une explication définitive, qui ruinerait probablement l’intérêt du film.
Il existe probablement autant d’interprétations que de spectateurs, et la subjectivité joue un rôle essentiel dans la façon dont sera apprécié ce film, cette expérience même. Quittons donc ces basses tentatives d’expliquer ce qui ne peut l’être, et concentrons-nous sur l’aspect purement formel. Lynch nous offre là une œuvre intense, puissante, tirant parti d’un sens du cadre léché, d’une photographie magnifique et, surtout, de ce qui fait tout le sel de sa filmographie depuis ses débuts, une mise en scène sonore travaillée. Chaque détail, chaque grincement, chaque chuchotement ou porte qui claque est un détail minutieusement placé, et les chansons hypnotiques et répétitives rythment cette partition, naviguant avec élégance entre jazz et métal (...)