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Zebrakelo
7 abonnés
292 critiques
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3,5
Publiée le 24 mai 2021
Un film qui se démarque par sa composition : une caméra souvent fixe avec des personnages souvent de marbre, tels des statues, et quelques rares mouvements lents, de caméra ou d'images. Une atmosphère froide, de marbre pourrait-on dire, et presque triste, qui montre un couple (exemple de la société) en perdition... Mais la force et volonté de la femme surpasse cette société inhumaine pour que l'on atteigne un happy-end (?) : un travail, une télé, un chien et de l'amour.
Le film a le mérite de créer une ambiance et un style, à partir d’un univers du quotidien banal, avec ses intérieurs plutôt vieillots, tristes et dépouillés, par le choix de couleurs qui contrastent et de plans fixes censés donner de l’importance à la situation montrée. C’est le cinéma de Aki Kaurismaki, rapidement reconnaissable, et pétri de bonnes intentions. Qui peut plaire ou non. La simplicité tend au simplisme, les comportements à la caricature et les événements à la succession de poncifs. Tous les maux sociaux s’abattent en effet sur ce couple Finlandais de la classe moyenne inférieure : Ils perdent chacun leur emploi, puis sont victimes de malfrats (le tenancier du bar), d’intermédiaires sans scrupules (le vendeur d’adresses), et de banquiers incompréhensifs voire malhonnêtes ; ils se voient saisir leurs biens par les huissiers ; ils tombent dans l’alcoolisme ; et perdent, en même temps que leurs illusions, leur petit pécule au jeu. Cette accumulation, suivie du « miracle » de la réussite bien méritée relève du roman photo et de l’image d’Epinal. La volonté d’épure, à laquelle renvoie fugacement l’affiche du film de Robert Bresson entrevue dans le cinéma, manque ici de la puissance nécessaire. Elle est aussi contredite par des facilités inutiles comme les plans récurrents sur le chien. Quant au caractère drôle du film et à son humour évoqué par certains, j’avoue n’en avoir pas perçu le début du commencement. Peut-être il y-a-t-il des seconds degrés qui m’échappent.
Karismaki emmène la douleur froide des situations avec la musique tragique aux accents russes. La force des regards qui traversent les corps pour n’être qu’introspection. L’histoire est pourtant tout à fait classique. Deux personnes au chômage qui cherchent à retravailler mais on s’attache ici à l’essentiel. Les sentiments, la réflexion sur soi. Pas la complainte du sort mais la lucide raison associée évidemment à la volonté.
La misère sociale qui met au défi la légendaire monovisagite finlandaise : voilà la forme que prend cette fois l'ode ouvrière de Kaurismäki.
Jouant aux petits capitalistes, ses personnages s'entourent de moins de choses qu'en Occident pour combler un vide qui paraît plus grand. Des licenciements, du chômage, des inspections qui tombent mal, des opportunistes malsains qui sont le dernier recours du travailleur désespéré… Il n'est pas difficile de voir dans l'univers du film la continuité des regrets causés par le changement de système après l'URSS. Une Finlande excentrée, trop coupée de l'Europe, coincée entre ce qui continue d'être deux blocs : c'est toujours la même histoire chez Kaurismäki. Ce qui change, c'est la clé.
Ici, par exemple, on foncerait dans le mur en croyant que le peuple de Finlande n'a que ce qu'il mérite, et que l'objectif du réalisateur est de lui renvoyer ses clichés à la figure. Au contraire, derrière les visages fermés se joue la reconquête d'une vie qu'on pourrait dire « normale ». C'est au spectateur d'attribuer les bonnes émotions aux bons personnages, dans une sorte de puzzle gentillet qui remet tout un cinéma en grâce sans s'en donner les airs.
Le cinéma social m’enthousiasme assez rarement, mais à choisir je préfère la poésie du désespoir et l’humour à froid d’un Kaurismaki au naturalisme et au pathos d’un Ken Loach. Il y a paradoxalement beaucoup plus d’amour pour les opprimés dans cette distance à la Tati que dans un cinéma plus près des corps à la Dardenne. Peut-être, justement, parce que les personnages de Kaurismaki ne sont pas réduits à leur statut d'opprimés. Même quand ils sont au plus bas, les cadres fixes et les plans d’ensemble du réalisateur les laissent exister dans toute leur dignité. Visuellement, le film est une réussite et mériterait une copie qui rehausse les couleurs et affine les contours. La finesse du trait et le sens de la nuance de Kaurismaki se mesurent jusque dans les moindres détails du décor et du scénario de ce film modeste mais très beau.
Dans Au loin s’en vont les nuages, Aki Kaurismäki use d’une mise en scène épurée et de dialogues distribués de façon parcimonieuse mais s’aventure à quelques mouvements de caméra. Inexorablement inexpressifs, ses deux protagonistes principaux, incarnés par Kati Outinen et Kari Vaananen, forment un ménage confronté au chômage. Le jeu d’acteurs sobre surligne un désespoir latent résultant de l’inadéquation des deux protagonistes au marché de l’emploi (âge, secteur d’activité). L’épure de la réalisation permet au film de ne pas verser dans le mélodrame et le misérabilisme. Ce dépouillement caractéristique du cinéma de Kaurismäki contribue au contraire au réalisme des situations et à l’authenticité du propos.
Le cinéma minimaliste de Kaurismaki a toujours de la tendresse pour les faibles et les laissés pour compte. Ici, une histoire somme toute banale magnifiée par la mise en scène (et les clins d’œil à Douglas Sirk). Comme toujours, Kati Outinen intériorise parfaitement, entre frustration, soumission, rébellion et fermeté. Une scène au début, lorsque le tramway rentre au garage, évoque Hopper.
Le paradoxe d'Aki Kaurismaki est que le dénouement heureux de la plupart de ses films n'atténue en rien l'authenticité de l'agonie lente et douloureuse qui le précède. Difficile en effet d'avoir le coeur léger à la vue du naufrage du couple incarné par Ilona (Kati Outinen) et Lauri (Kari Vaananen), après que l'un et l'autre aient perdu leur travail et s'enfoncent peu à peu dans la misère et le silence.
Mais le désespoir qui habite une grande partie du film n'est pas total tant le réalisateur est habile pour insérer de la poésie et de l'humour dans le quotidien morose de ses protagonistes. Cet art du détournement est parfaitement illustré par une des premières scènes du film: Lauri aide sa femme à se débarrasser de son manteau, lui masque les yeux avec la main gauche et la guide amoureusement jusqu'au salon. Il l'assied sur le canapé et fait un grand geste vers le mur opposé en demandant "Alors, ça te plaît?". La caméra reste figé quelques instants sur le couple avant de nous dévoiler la surprise: un téléviseur flambant neuf. Ilona reste stoïque, ne laissant deviner aucune émotion. La substitution dans cette scène du romantisme par le matérialisme, opérée par Kaurismaki, tire son efficacité et sa singularité des procédés mis en place par le réalisateur: un jeu d'acteurs sobre et simple, une mise à distance des émotions et limitation des échanges verbaux au strict minimum. Des procédés qui permettent d'épurer la mise en scène et de la préserver de tout mélodrame trop appuyé. Au profit de l'émotion fragile et sincère.
De ce point de vue là, Au loin s'en vont les nuages est une réussite incontestable et se révèle un véritable plaisir de l'âme.
Véritable chef-d’œuvre d’un cinéaste hors du commun, génie décalé, magicien du cinéma. Beauté et dépouillement, réalisme schématique et profondeur, purisme et humour… on pourrait accumuler les poncifs. Alors oublions les mots et laissons-nous emporter. La grâce se démontre par l’absence de la moindre minute d’ennui dans ce film où tout est “à l’os” et pourtant palpitant.
Dans une ambiance froide (voire glaciale !) comme le sait si bien le faire Aki Kaurismäki, nous pouvons suivre le destin d'un couple au bord de l'implosion qui subit de plein fouet la dure loi du chômage. La muse du réalisateur finlandais, Kati Outinen, interprête avec brio le rôle de la femme forte, qui ne baisse jamais les bras et qui malgré tous les coups de bambou qu'elle se prend en pleine figure, ressent toujours au fond d'elle les beaux jours à venir. Son visage sans émotion, même lorsqu'elle voit son mari perdre petit à petit pied, rend ses rares sourires encore plus beau. Après "La fille aux allumettes", où sa victoire finale face à sa famille qui l'a tant rabaissé la rend libre et joyeuse, au point de savourer chaque instant et chacune de ses cigarettes, ici la scène finale est une véritable ode à l'espoir et à la non-renonciation. Un film d'une (trop) grande froideur, mais qui à le mérite de nous remettre les pieds sur terre, comme Aki Kaurismäki sait si bien le faire.
Kaurismaki est pour moi un magicien plus qu’un metteur en scène bien qu’il utilise cette dernière fort bien afin de parvenir aux buts qu’il se fixe. Il fait disparaître du champ de la caméra tout ce qui lui semble de trop pour ne laisser que le minimum afin que l’ émotion ressentie soit la plus forte possible. A cet égard le passage dans lequel Kati Outinen pleure en silence l’enfant qu’elle a perdu est un modèle. Il n’y que de l’humain dans ce conte pour adultes, même si cet humain n’est guère reluisant et que nous ne soyons pas dupe de la fin improbable, il n’en reste pas moins Ilona qui a elle seule nous fait garder la foi dans l’homme ou plutôt dans la femme qui comme le disait si bien Aragon est notre avenir. Menteurs, vantards, paresseux, lâches voici ce que sont les moins mauvais des hommes pour Kaurismaki; les pires méritant la prison. Contrairement avec Bresson, Kieslowski, Zulawski, Godard, parfois Resnais et quelques autres je ne m’ennuie jamais quand je suis avec Kaurismaki car son cinéma dégage une certaine ‘’ grâce’’ malgré le coté désespéré de ses acteurs et actrices habituels.
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3,5
Publiée le 22 octobre 2012
Dans un style froid (Aki Kaurismäki ne serait-il pas finlandais ?) et sans fioritures, "Au loin s'en vont les nuages" ressemble à un film documentaire à peine romancè sur le chômage des adultes, la vie de couple et la peine de vivre chère à Kaurismäki! Plus son histoire avance plus son film se transforme en un concentrè de pessimisme! Mais chaque chose en entraîne une autre jusqu'à la très belle scène finale du restaurant où le pessimisme fait place à de l'optimisme! Avec en tête de distribution Kari Vaananen mais surtout Kati Outinen, actrice fètiche du cinèaste, remarquable en propriètaire de restaurant dèvouèe à son commerce! Sa prèsence, son impassibilitè et la tristesse dans son regard font une fois de plus des merveilles! Une fable tendre où l'on en ressort avec l'envie de vivre car si la vie n'est pas toujours un long fleuve tranquille chez Kaurismäki, ses films respirent l'authenticitè entre marginaux et humbles gens qui se contentent souvent de joies simples et de petits bonheurs de la vie...
« Au loin s’en vont les nuages », du finlandais Aki Kaurismäki, est une tragi-comédie qui permet d’appréhender l’univers bien particulier de ce réalisateur. Le sujet a été abordé dans de nombreux films au cinéma comme à la télévision, mais c’est dans la mise en forme qu’Aki Kaurismäki se distingue. « Au loin s’en vont les nuages » raconte le parcours d’un couple ordinaire sans histoire qui vit avec son chien. Elle, est maître d’hôtel dans un restaurant, lui est conducteur de tramway. Ils vivent dans un appartement qu’ils aménagent à crédit. Mais en peu de temps, ils vont perdre tous deux leur emploi et vont devoir faire face brutalement à la précarité de leur situation. Retrouver un travail dans des bonnes conditions n’est pas facile. Ilona a l’idée alors de monter son propre restaurant mais se heurte au refus de sa banque de lui accorder un prêt. La réalisation est d’un style dépouillée dans des décors aux couleurs saturées de rouge et de bleu. Les dialogues sont minimalistes et les acteurs jouent dans le style de Buster Keaton. Des visages inexpressifs mais qui suscitent l’émotion par le seul fait de la description brute et sans fioriture de la situation. Le problème du chômage dans notre monde moderne et la précarité qui en découle sont abordés dans une mise en scène à l’esthétique soignée jusqu’à la bande son d’une grande qualité. Dans le dernier tiers du film, le couple réussit à ouvrir son propre restaurant grâce à l’aide de l’ancienne patronne d’Ilona. L’optimisme est alors à nouveau permis. L’image de fin est superbe avec l’utilisation du hors-champs, le couple scrutant le ciel, afin de montrer qu’après les malheurs de l’existence, l’espoir renait et l’avenir s’éclaircit car … au loin s’en vont les nuages.
Ce n'est ni mon Kaurismaki préféré, ni le film le plus accessible de l'auteur... Si on s'ennuie en effet parfois un peu, la poésie et les pointes d'humour typiquement finlandaises emportent la mise dans la dernière partie...