Les dialogues du film ont en grande partie été dus au hasard. En effet, rien n'a été écrit à l'avance et c'est le quotidien de chacun qui a servi de base de travail à Agnès Varda : "Pour chaque scène, j'avais écrit dix lignes de dialogues. C'est la première fois que j'écrivais en anglais. J'ai voulu que les acteurs travaillent sans scénario. Viva, Jim et Jerry répétaient une heure au magnétophone, disaient tout ce qui leur passait par la tête. Je retenais deux pages du meilleur que je leur donnais à lire une fois, vingt-quatre heures avant le tournage", explique la cinéaste.
Jamais diffusé à la télévision, Lions Love est l'un des films les plus rares d'Agnès Varda puisqu'il n'est pas resté longtemps sur les écrans et a eu tendance à passer étrangement inaperçu dans la filmographie de la réalisatrice: "J'ai essayé de comprendre ce que je voyais de l'Amérique. Vu de France, le film a une drôle d'allure. Il est complètement exotique et un peu incompréhensible aux Français qui ont toujours beaucoup critiqué le phénomène hippie sans jamais essayer de le comprendre», explique-t-elle avec du recul.
L'époque est celle de la libération des nouvelles expériences notamment liées à la drogue. Apparemment le tournage correspond bien à l'image qu'on pourrait en avoir aujourd'hui, comme en témoigne la réalisatrice : "Avec Viva, ils fumaient de l'herbe et aussitôt après se déshabillaient complètement, circulant à poil et sans raison parmi les fils électriques. L'équipe aussi fumait pas mal. Tous travaillaient à côté de leurs pompes, dans les vaps. »
Le titre original était Lions Love and Lies (Lions, Amours et Mensonges), mais les acteurs l'ont trouvé trop long et trop explicite. C'est parce que le clapman écrivait toujours Lions Love que ce titre est resté. Agnès Varda s'explique sur le choix des mots : "Lions ? Les trois acteurs en ont la crinière et un peu la sauvagerie. Ils se veulent les nouveaux rois de la jungle hollywoodienne. Love ? Pour eux, c'est l'amour à trois. Mais tout est love et in en Californie. Les love-in, les be-in, même les drive-in. Dans les parcs, les salles de concert, les maisons, il y a des fleurs, des sourires, de la marijuana. Lies ? Le mensonge est partout. Les acteurs sont-ils de plus grands menteurs que les politiciens ?", s'interroge-t-elle.
Alors que la majorité de ses confrères apprentis-cinéastes est à Paris dans l'effervescence de la "révolution", Agnès Varda est à Los Angeles où elle accompagne Jacques Demy, venu tourner Model Shop pour la Columbia. Installée au sein d'un hôtel de luxe, elle n'entend pourtant pas gâcher son temps à se prélasser et met ainsi en place ce projet sur la culture "flower power" qui souffle sur le monde. Et elle profite de son environnement puisque le tournage s'est effectué sur son lieu même de villégiature !
Ce film se passe en plein milieu de l'époque hippie, cadre de l'histoire d'Agnès Varda. Son projet s'avère cohérent si l'on s'attache aux choix des acteurs tels un certain Jim Morrison ou Jim Rado, à l'origine de la déferlante "Hair", qui se perçoit encore aujourd'hui. En outre, le sujet, un ménage à trois aussi compliqué qu'improbable, est assez significatif du souffle libertaire déferlant sur la jeunesse mondiale.
Alors installée à Los Angeles avec son mari Jacques Demy, Agnès Varda tourne Lions Love dans les rues de Californie en 1969. C'est une ville chère à la cinéaste puisqu'elle a également été au coeur du moyen-métrage Uncle Yanco en 1967 et du documentaire Black Panthers en 1968. Elle retournera en Californie dix ans plus tard, pour tourner Murs, Murs et Documenteur. En tout, ce sont donc cinq oeuvres de la filmographie d'Agnès Varda qui auront pris pour cadre les Etats-Unis.
A l'origine, Agnès Varda voulait que Jim Morrison tienne le premier rôle masculin de Lions Love mais ce dernier aurait décliné la proposition. Néanmoins, de passage sur le tournage pour rencontrer la production, le leader des Doors figure dans la scène d'ouverture du film, mais n'a pas été crédité au générique.
Pour sa fiction hippie, Agnès Varda a choisi un trio d'acteurs composé d'icônes emblématiques de la culture américaine des années 70. On y retrouve l'actrice américaine Viva, qui n'était autre que la muse d'Andy Wharol, puis Jim Rado et Gerome Ragni, les auteurs de la comédie musicale à succès "Hair".