A une époque où le chômage, la guerre, le crime, et la corruption inspirent de nombreux cinéastes, Woody Allen décide, quant à lui, de s'attaquer à un genre cinématographique des plus euphorisants, la comédie musicale. Pied de nez aux courants dominants ou projet de longue date ? Peu importe, l'idée elle même doit être saluée comme une claque en pleine figure de la morosité ambiante. Certains ne manqueront cependant pas de se demander ce que le neurasthénique Woody est venu faire dans un genre qui faisait de la joie de vivre son leitmotiv, avant que Bob Fosse en constate le déclin. Les inconditionnels du cinéaste n'ont cependant guère lieu de s'inquiéter quant aux thèmes abordés par le film : la forme ne change rien au fond chez cet entêté de la description intimiste et du bavardage brillant. On retrouve l'intellectuel complexé en mal d'amour, les couples mal assortis, la bourgeoisie new yorkaise avec ses petits problèmes existentiels, et d'autres détails reconnaissables de son univers. Les scènes proprement "musicales", assez rares mais franchement burlesques, jouent sur l'effet de surprise. Elles ne sont pas indispensables à l'histoire, qui est suffisemment relevée, mais elles apportent un grain de folie qui vient à point pour "arranger" des situations de plus en plus délicates. L'hommage rendu à Groucho Marx, au travers dun numéro musical denvergure, est emblématique du nouveau virage burlesque de l'auteur d"Intérieurs". Son sens de l'humour, depuis qu'il n'est plus axé exclusivement sur son personnage dinellectuel déphasé, est parfaitement aiguisé. Et même si, pour certains, ses uvres les plus marquantes appartiennent à la mouvance "bergmanienne" du cinéaste, ce film est une grande réussite.