C’est le grand retour de Won Kar Waï, l’esthète qui a décidé de se mettre au Kung Fu. A ce qu’on dit, WKW réalise là un vieux rêve. Tous les cinéphiles avertis attendaient un beau spectacle, vu sa vision très personnelle du cinéma, et ses parti-pris esthétiques disons-le, parfois originaux. On n’est pas déçu, c’est vrai, c’est maîtrisé comme il se doit. La lumière est magnifique, et on doit à des gros plans insolites, stylistiquement sans tâche, et une narration comme il les aime, ouverte et mais tout à fait linéaire, en fait. L’histoire vraie se passe dans la Chine milieu du siècle dernier, avec guerre et images d’archives à l’appuie pour faire encore plus vrai. En même temps il nous balade entre le vrai et le faux, comme il aime à le faire, comme tout bon manipulateur d’images hors pair, ça marche. Il fait des concessions, car pour moi, car cela reste un biopic, mais pourquoi pas. Le Grand master est souvent évincé par la superbe Zhang Ziyi qui joue l’héritière de la lignée, qui ne peut malheureusement pas enseigner le Kung Fu, parce que c’est un fille ! Drôle de façon de parler du féminisme, dira-t’on. En même temps c’est toujours le Grand master qu’on a en voix off, donc c’est bien lui le héros du film, mais l’important n’est pas là. WKW se laisse encore une fois emporter par son œil précis comme une loupe, et des choix très pointus de cadrages, il fait un superbe travail sur l’image, un vrai tableau. J’ai contemplé un spectacle original, mais presque vain, une démonstration, on en oublie le Grand master, d’où il vient, où il va. A un moment, on ne voit plus que monsieur W. Des combats et des chorégraphies qui en mettent plein la vue, dans les règles de l’art. C’est haut en couleurs, et on sent son désir de faire un « classique », d’ailleurs il termine par une fin classique, assez prévisible donc classique. L’avenir nous dira si ça a marché ou non, si c’est devenu un classique ou non.