Entre le film de Kung Fu classique et le Wuxiapian, Wong Kar Waï propose sa vision de la biographie de Ip Man, personnage emblématique d'une Chine qui entre triomphante dans le 21ème siècle. Là où Wilson Yip se contentait de faire un parallèle entre l'histoire du Maitre et l'effondrement de l'Empire, Wong kar Waï, lui, donne à son oeuvre un caractère presque prophétique. Entre le monde en guerre, les meurtres et les haines qui découlent des tensions entre écoles, au sein des écoles, les trahisons....Ip Man avance dans ce chaos, toujours serein et en fin de compte triomphant. Le réalisateur s'éloigne encore de la trilogie par sa narration, mais là je n'en dis pas plus car il faut voir ce Grandmaster. Wong Kar Waï donne une réponse à ce choix qui peut être déconcertant une fois le film terminé.
Bref, cette oeuvre est une merveille visuelle, Tony Leung arrive à faire oublier Donnie Yen, ce qui n'est pas rien. Lucy Liu est géniale comme d'habitude. Quant aux scènes de combats, elles sont peu nombreuses mais magnifiques. Le réalisateur se jette à l'eau (jeu de mots moyen, je le reconnais) dès l'ouverture du film. Il n'y a rien de révolutionnaire - on pense à Zhang Yimou et à ce fameux combat entre Donnie Yen et Jet Li dans Hero, on pense à Tsui Hark, au Gordon Chan de Fist of Legend...que des bonnes choses - mais le style Kar-Waï est là et, pour ceux qui l'apprécient, c'est un plus non négligeable.
Je précise que ce film a une construction particulière et qu'il n'est pas comme les deux premiers volets de la biographie du héros. Si vous y allez pour voir un Bruce Lee stylisé, la déception est possible.
Pour finir, au delà de la qualité de cette oeuvre, il est intéressant d'observer comment le personnage de Ip Man fascine au niveau international et comment la Chine véhicule une certaine image d'elle à travers le monde en usant de la vie de cet homme comme d'une métaphore de son entrée calamiteuse dans le 20ème siècle et le repli sur elle même qui a précédé sa puissance retrouvée dans le 21ème. Elle a accueillie les tempêtes et les doctrines venues d'ailleurs mais n'a, en fin de compte, jamais été ébranlée. Telle est l'image qu'elle semble vouloir donner. Dressée ou à genoux, verticale ou horizontale, la Chine sait regarder derrière elle pour vaincre et avancer. Superbe et flippant à la fois!