La vision de The Grandmaster est une sacrée claque. En particulier pour moi, novice de Wong Kar-Wai. C'est en effet le premier film de lui qu'il m'ait été donné l'occasion de voir, mais je ne m'arrêterai pas là. Chaque plan, chaque cadre, chaque mouvement de caméra est à lui seul une oeuvre d'art, et cette perfection esthétique est loin de nuire à l'histoire. Comme tous les grands, le cinéaste Hongkongais sait que le Beau, dans l'art, s'il ne sert à rien, est superflu. Ici, la mise en scène est au service d'une histoire bien plus personnelle qu'elle n'en avait l'air. On retrouve toutes les obsessions thématiques du maître, dont la fuite du Temps, thème qui peut nous aider à illustrer ce dont nous parlions précédemment : l'utilisation de la mise en scène pour mieux raconter l'histoire, ou étayer les thèmes. Les combats, par exemple, alternent entre trois types de plans : le ralenti, la vitesse normale, et le 8(à vue d'oeil) images/seconde. Une magnifique transcription à l'écran d'une Idée abstraite : l'élasticité du temps. On retrouve ces recherches esthétiques tout le long du film. Revenons maintenant aux thèmes du film. Il en est un autre qui joue un rôle primordial : l'Amour impossible, ici entre Yip Man et Gong Er. A l'intérieur du film de kung-fu, on est surpris de voir naître un flamboyant mélodrame, trouvant son paroxysme dans cette scène sublime, située vers la fin du film, lors de laquelle les deux maîtres se regardent, au son de quelques notes de Piano...On ne pourrait nommer toutes les scènes sublimes du film. Mais peut-être que s'il en est une qu'il fallait retenir, ce serait le flash-back lors duquel Yip Man se remémore sa vie manquée, avec pour musique, cette fois, un arrangement du morceau présent dans "Il Était Une Fois en Amérique", dans une scène similaire. La Mélancolie, et la Nostalgie, en tant qu'Idées platoniciennes, voilà un autre thème cher à Wong Kar-Wai qui revient hanter le film. Précipitez-vous en salle pour voir The Grandmaster, il est de ces films qui ont cette qualité essentielle : être du cinéma pur, et ne pouvoir exister que dans le noir sur un écran blanc.