Il nous aura fait attendre, WKW! Après nous avoir fait rêvé avec "In the mood for love", "2046", il nous avait laissé avec le dispensable "My blueberry night" et revient enfin avec ce "Grandmaster", évocation d'une grande figure du Kung-Fu, Ip-Man, et en filigrane un portrait de l'histoire de la Chine au siècle passé. Bref, un film ambitieux, comme en témoigne d'ailleurs les 4 heures de montage original, qui ont été réduites à 2 pour cette version. Ambitieux, comme en témoigne aussi l'emprunt du thème de Déborah dans "Il était une fois en Amérique", de Sergio Leone. Ce dernier film est en fait une obession pour WKW, qui cherche à le ressusciter ici : mélange d'un destin individuel et d'un destin national, éclatement de la chronologie, puissance des images... Le problème, c'est que le cinéaste asiatique n'a pas réussi à digérer cette énorme ambition. Ou bien est-ce la faute aux producteurs qui ont obligé à réduire le film à 2 heures, je ne sais pas. Toujours est-il que l'on a bien du mal à voir où ce Grandmaster veut en venir, entre biographie de Ip Man, histoire de la Chine, explication très didactique du kung-fu.. Les ellipses temporelles sont très maladroites, allant jusqu'à utiliser des cartons pour boucher très artificiellement les trous de la narration. Cependant, il reste à WKW une grande qualité : son soin du détail. On sent le travail esthétique titanesque porté sur chaque image. Chaque micro détail devient artistique : le bruit de la soie, la chute de la pluie, le mouvement chorégraphié des combats, les décors, les costumes,... Il y a des moments de pur grâce qui éclatent dans le film, comme cette image où deux visages se frôlent amoureusement et de manière aérienne en plein milieu d'un combat. Des images sublimes, malheureusement perdues dans un film inégal et qui, à trop chercher le soleil, finit par se brûler les ailes...